dimanche 28 février 2010

La Chine passionne-t-elle vraiment ?

Cet été dans l’aéroport de Shanghai je me souviens m’être attardé devant une publicité de Total. Si je me suis attardé, c’est parce que le slogan comportait un terme qui m’était encore inconnu : 激情. Passion. Passion, un terme que l’on doit entendre quelque chose comme 40 fois par jour auprès des francophones ou des anglophones, mais un terme que j’ignorais toujours en chinois après trois ans d’études. Je fus d’autant plus étonné car connaissant les 2 caractères constitutifs du terme, j’aurais du être à même de le saisir au milieu d’un texte ou d’une conversation sans trop de problème. Mais non, j’ignorais toujours le terme « passion » en chinois. Dans les mois qui ont suivi j’ai compris pourquoi. Les chinois n’utilisent purement et simplement pas ce terme. Ils n’utilisent pas un terme différent de 激情 pour parler d’une passion, non, ils ne parlent simplement jamais de passions. Ce terme qui était présent dans le slogan de total n’aurait pas pu apparaitre dans celui des entreprises chinoises concurrentes. 

Cette semaine nous nous sommes interrogés avec Aurélien sur les motivations de nos voyages respectifs. Et sur les motivations des touristes chinois dont l’immense majorité ne voyagent que par l’intermédiaire d’une agence bien qu’il s’agisse de leur propre pays. Aurélien décrivait ce type de voyage comme une nécessité sociale, pas comme répondant à une passion particulaire. 

En cours de Chinois nous avons abordé cette semaine le thème 梦想, les rêves. Pas les rêves de notre sommeil, mais ceux de notre imagination consciente. Je m’attendais à ce que l’on parle de grand rêve. De rêve de non discrimination comme en avait Martin Luther King en son temps. De rêves de découvertes du vaccin contre le sida ou du Boson de Higgs. De rêves de vie éternelle, de lévitation ou de télékinésie. J’ai été assez étonné en découvrant que pour la prof chinoise, un rêve, ça reste beaucoup plus pragmatique : décrocher son exam pour un écolier, décrocher la médaille d’or pour un sportif. 

Xu Xiangming me disait aujourd’hui qu’il avait été particulièrement marqué par un reportage télé à propos d’un citoyen anglais venu s’installer à Pékin où il a développé un large réseau de clubs de foot. Ces clubs de foot n’ont pour but que d’offrir l’opportunité à de jeunes chinois de jouer. De jouer pour le plaisir. Sans le but d’une compétition d’importance. « En Chine, c’est très original » me disait Xu Xiangming. « Un Chinois ne monterait pas une grande opération s’il n’y avait pas de 前途, de perspective d’avenir. Cet anglais l’a pourtant fait par simple passion du football. En voyant ce reportage j’ai pris conscience que l’important dans ce que l’on fait, c’était peut-être d’aimer ce que l’on fait, pas le 前途, pas la perspective d’avenir. »

L’exemple de cet anglais est en effet très original. On se souvient plutôt des entraineurs étrangers embauchés pour préparer les équipes nationales aux jeux olympiques de Pékin, et venus uniquement pour le gros salaire. On se souvient aussi, et c’est encore plus marquant, que parmi les équipes de curling participant aux JO de Vancouver, seuls les compétiteurs chinois ont l’opportunité de s’entrainer sans « s’encombrer » d’un travail à coté, le gouvernement ayant en effet décidé que la Chine devait « se doter » d’une équipe de curling.

Bref, la Chine, un pays passionnant pour certains, un pays dépassionné pour d’autres…

mercredi 24 février 2010

« J’ai voyagé pendant le nouvel an chinois… »

Tous les guides le disent : Ne voyagez pas pendant les périodes de vacances chinoises, à savoir la semaine autour de la fête nationale (1er octobre), la semaine autour de la fête du travail (1er mai) et durant les vacances du nouvel an chinois. Les hôtels sont pleins, les prix sont à leur maximum, les transports sont saturés.

Ayant déjà expérimenté l’effet de la masse des chinois, j’avais une certaine appréhension à partir cette semaine là. J’avais réservé les hôtels à l’avance, chose que je ne fais jamais ordinairement, j’avais choisi des trajets en avion même quand le même trajet pouvait théoriquement se faire aussi en train, et j’avais acheté les billets d’avion au prix fort.

Jeudi 10 février en prenant la voiture pour l’aéroport le périph était fluide. C’est sur la bretelle d’accès à l’aéroport que le trafic s’est intensifié et cela bouchonnait tout simplement plusieurs centaines de mètres avant le terminal de départ. Dans l’aéroport des gens partout. Pas autant que dans une gare chinoise, mais beaucoup plus qu’à l’accoutumée. Pas étonnant que les billets se vendent aussi chers. On embarque, l’avion est plein, et on atterrit à Wuyishan, destination purement touristique. 

A travers les fenêtres du taxi la ville semble vide. Pas de passants, la majorité des boutiques sont fermées. Où est passée l’habituelle agitation inhérente aux chinois ? Le chauffeur me dit que nous sommes dans la période la plus creuse de l’année !?! Cela se vérifie une fois à l’hôtel, vide, et dans lequel on obtient des prix très intéressants pour des chambres grand luxe.

Le lendemain on entre dans la zone touristique. Dedans des centaines de bus et petits trains en tout genre attendent le touriste. Mais le touriste n’est pas venu. Mis à part nous et une poignée de chinois, c’est désert. Autant ravis qu’étonnés, nous pouvons profiter du charme mystique de Wuyishan en nous demandant où les chinois sont tous passés.

Il est bien connu que le nouvel an chinois est l’occasion immanquable de se retrouver en famille, c’est la cause de la saturation des transports. Se pourrait-il que le tourisme en cette période soit mal venu ? Cela changera-t-il à partir de lundi prochain, une fois la nouvelle année chinoise commencée ?


Xiamen, notre deuxième destination semble nous démontrer le contraire. Les hôtels sur Gulangyu sont tous pleins, et les tarifs à leur maximum. Pourtant le soir du réveillon, beaucoup de restaurants n’ont pas ouverts, et ceux qui ont ouverts font moins recette que les nôtres un soir de Noël ou de 31. Et effectivement en nous promenant dans les rues de la ville un peu plus tôt dans la journée, partout nous apercevions les cuisines des particuliers en effervescence, afin de préparer le grand repas de l’année, le 年夜饭. 


En nous enfonçant dans les montagnes et la région hakkas, nous retrouvons l’atmosphère qui régnait à Pékin et à Wuyishan. Les lieux semblent abandonnés. Nous ne trouvons d’ailleurs aucun restaurant d’ouvert en dehors des grandes villes. L’hôtel Minxi à Longyan est lui aussi vide, avec des prix inferieurs à 50% du prix maximum.

Il faudra attendre d’être dans le village de Hongkeng pour revoir beaucoup de chinois, pour revoir une agglutination de chinois. Mais Xiao Zhang nous a arrêté tout de suite. Cela paraissait peut-être beaucoup pour nous, mais en période touristique, c’est bien pire.


En repensant à toute cette semaine passée dans le Fujian je me rends compte que je n’avais aucune idée de ce que pouvait bien être le nouvel an chinois. La télé française nous passe en boucle des images de gares ferroviaires inondées de chinois. A Paris on connait le nouvel an chinois par le grand défilé sur les routes du XIIIème. Et à Pékin mes camarades ne me parlaient que du feu d’artifice. Je m’attendais à voir un pays en état d’excitation durant les deux semaines que durent officiellement le nouvel an chinois. Je m’attendais à voir des hôtels et lieux touristiques pleins de chinois qui saisiraient l’occasion d’un congé d’état pour s’adonner aux plaisirs du tourisme. Je m’attendais à une soirée du réveillon arrosée, agitée et conclue par un grand feu d’artifice. 

Je n’avais en fait rien compris à l’état d’esprit du nouvel an chinois, aussi appelée fête du printemps (春节). Quand Pékin s’est vidé d’une grande partie de sa population, ils rentraient dans leur famille. Ils profitaient de la seule occasion qui leur été donné dans l’année de rentrer voir leurs proches, parfois à plusieurs dizaines d’heures de train de Pékin. Et à peu près tout le monde rentre. Les commerces ferment, les restaurants aussi. C’est le moment de prendre son temps. Pas le moment de se ruer vers Wuyishan pour s’amuser sur un radeau, pas le temps de travailler non plus, non, le temps de prendre son temps, pour soi-même et avec sa famille. 

Dans la plupart des lieux que nous avons traversés durant ce voyage, il régnait une atmosphère paisible et sereine. Souvent nous voyions des petits groupes de 2-3 personnes marcher tranquillement autour de leur maison. On prend le temps de se retrouver, sans programme. En y repensant, j’ai souvent demandé à mes amis chinois ce qu’ils comptaient faire de leurs vacances. Ils me répondaient tous : « Je rentre à la maison. Pas de programme particulier, en fait même rien à faire, juste passer du temps à la maison. » Et c’était le cas de toutes les personnes que nous rencontrions. Ils avaient le temps. Le temps de discuter avec nous, le temps de nous offrir un thé, le temps de nous accompagner autour de chez eux. Et cela faisait plaisir.

jeudi 18 février 2010

A Pékin, ça pète !

De retour du Fujian après une semaine de voyages très riche en expériences, nous sommes de retour à Pékin. Retrouvez-nous à travers les articles suivants:
  1. Mais pourquoi le Fujian ? 
  2. Wuyishan (武夷山) (1/3) - Un austère Yangshuo ou une petite Huangshan ?  
  3. Wuyishan (武夷山) (2/3) – La descente en bamboo rafting
  4. Wuyishan (武夷山) (3/3) – La demeure des immortels 
  5. Xiamen (厦门), une cité effrayante… 
  6. Gulangyu (鼓浪屿), une beauté cachée
  7. Hakka Country (1/4) - Premières découvertes 
  8. Hakka country (2/4) – Du thé, de l’encens, des pétards et de l’argile
  9. Hakka Country (3/4) – Une nuit dans un tulou
  10. Hakka Country (4/4) - Les tulous ronds

Retour à la maison en ce qui me concerne, mais entouré des Quatremares, c’est encore un peu l’aventure. A la nuit tombée Pékin l’abandonnée se réveille. Nous sommes déjà le 18 février, soit 初五, le cinquième jour de l’année dans le calendrier lunaire, mais l’esprit du nouvel an chinois est encore là. Notre parcours à travers les rues est ponctué de crépitements à droite à gauche, devant derrière. Entre les grands feux d’artifice qui illuminent le ciel, et les pétards qui éclatent dans des claquements secs et sonores, la rue est la scène d’un immense spectacle son et lumière. On se croirait presque dans une ville en insurrection. Partout des ombres courent se cacher sous les porches après avoir allumé de nouveaux feux d’artifice qui vont s’envoler et éclater juste devant les fenêtres de ces grands immeubles qui encadrent les rues. Partout ça pète, ça éclate, ça claque, et les sons rebondissent entre les immeubles. On perçoit aussi l’agitation qui règne dans les rues adjacentes, l’insurrection semble être étendue… et quand on monte sur les immeubles, on réalise que sur des kms à la ronde, ça pète de partout, partout du vert, du rouge, du jaune !

mercredi 17 février 2010

Hakka Country (4/4) - Les tulous ronds

Mercredi c’est bien à bord d’un tulou que nous nous réveillons le matin. Xiao Zhang a dormi en T-shirt sous une simple couette, Guillaume en anorak sous une double épaisseur de couette épaisse. A 8h, c’est l’effervescence, les locataires d’un soir vaquent à leurs tâches matinales tandis que les premiers groupes de visiteurs arrivent dans notre tulou. Xiao Zhang nous a trouvé une guide qui va nous faire visiter les tulous les plus remarquables du village. En chemin nous croisons d’autres groupes en visite, beaucoup de groupes, et nous réalisons que le petit village tranquille de Hongkeng (洪坑) dans lequel nous sommes arrivés la veille après la tombée de la nuit, s’active fortement au cours de la matinée lorsque les cars en provenance de Xiamen déversent leurs hordes de touristes chinois. Nous sommes un peu à la Badaling des tulous. Un site très beau et bien entretenu dans lequel se concentrent la grande majorité des touristes chinois. L’architecture est époustouflante, mais c’est moins authentique que nos tulous des deux premiers jours… encore que, les chinois visitant en groupe et derrière leurs guides qui suivent toujours le même parcours, il suffit d’aller voir le tulou voisin pour retrouver toute l’authenticité des lieux. Bref, c’est magnifique, et ça vaut bien le tarif d’entrée dans le village, relativement élevé. 


 Le 如升楼, le plus petit tulou rond du village


Des légumes qui prennent le soleil (ou pas) dans un tulou rond (ou presque)

Présentons aujourd’hui la nouvelle classe de tulou : les tulous ronds. Plus modernes que les tulous rectangulaires, ils sont aussi un ordre de grandeur au dessus de leurs confrères en termes de taille et de réalisation architecturale. Les grands tulous ronds peuvent faire de 50 à 90 mètres de diamètre, et font généralement 4 étages de haut. Le rez-de-chaussée est utilisé pour les cuisines et salons, le premier étage pour entreposer les provisions, et les deux étages supérieurs pour les chambres. Les chambres sont petites, mais les parents les partagent avec leurs enfants quand ils sont encore jeunes. Dans un tulou rond habitaient parfois 600 à 800 personnes ! Un village entier rassemblé dans un même bâtiment…

Admirons maintenant quelques photos des deux plus incroyables tulous ronds que nous avons visités, seulement 3 jours après la venue du président Hu. 

D’abord le Zhenchenglou(振成楼), toujours à Hongkeng. Appelé le 土楼王子, le prince des tulous, c’est une véritable œuvre d’art chinoise. Très moderne, datant du début du XXème siècle, il est construit selon les principes de quelques croyances chinoises : l’équilibre du Yin et du Yang, le découpage du cercle en 8 sections correspondant aux 8 formes de bases du Yijing. 

 Le Zhenchenglou (振成楼)

 
 Le même avec Béatrice et notre guide du matin au premier plan


 
 Vue de l'intérieur. Pas mal de monde, nous sommes en zone touristique


Ensuite le Chengqilou (程启楼). L’arène. Le Colisée chinois. Des dimensions totalement insensées. Cinq cercles concentriques aménagés dans l’œil du bâtiment formant un véritable labyrinthe de latrines, de cuisines, de salles à manger, avec un petit temple dédié à Guanyin au centre. 4 étages pour admirer le spectacle. Plus de 70 pièces par étages, des dizaines d’escalier. Le Chengqilou porte bien son nom de roi des tulous : 土楼王. 

 Le Chengqilou (程启楼)

L'entrée principale.


Vue sur l'œil du bâtiment depuis le 1er étage. Montons encore un peu...


Chengqilou: le Colisée chinois


Au milieu du "labyrinthe" central. On admire les lanternes chinoises suspendues devant chaque porte


Inspiration locale


Des enfants partout en cette période de nouvel an chinois


 Le Chengqilou a beau être devenu un centre touristique majeur, cela n'empêche pas les chinois d'y habiter toujours. Et on s'est encore fait inviter à prendre le thé :-)


 Ici le voisin du Chengqilou. Peut-être un peu moins grand, mais avec une place centrale non construite, et pas un seul touriste dans l'arène! Comme dirait Elodie, il nous manquait un tulou rond avec atmosphère locale. ça, c'est fait.


Et pour finir quelques photos de 高头, le village où est situé le Chengqilou, prises depuis le sommet de la colline. C’est d’ici que l’on réalise le plus le coté surréel de ces constructions. Peut-être plus encore que les pyramides et leurs hiéroglyphes, ces tulous ronds et leurs caractères chinois semblent venus de l’espace. Et si c’était vrai ?


 不识庐山真面目,只缘身在此山中 


 Des constructions déroutantes...


Une dernière photo de groupe devant les tulou pour finir notre voyage en territoire Hakka. Pour finir notre voyage dans le Fujian aussi. Il est maintenant temps de rentrer à Pékin...

Hakka Country (3/4) – Une nuit dans un tulou

Aidé par notre formidable chauffeur Xiao Zhang, nous obtenons ce que j’espérais : une nuit dans un tulou ! Il fait déjà nuit lorsque nous arrivons dans le village de Hongkeng (洪坑) et nous n’avons à ce moment là aucune idée de ce qui nous attend. On nous mène à travers le village, l’ensemble à l’air gigantesque. On arrive au Fuyulou (福裕楼), l’un des tulou qui propose des solutions d’hébergement. On nous ouvre quelques pièces au premier étage, et surprise, elles sont plus que correctes ! Elles sont non seulement équipées de vrais lits et d’édredons, mais il y a en plus la télé, la lumière, l’électricité. A l’étage inférieur on trouve les cuisines, salles à manger, toilettes et douches à l’eau chaude : c’est grand confort ! On y dine d’ailleurs comme des rois. Et comme l’accueil est encore très sympa (c’est la famille qui habite le lieu qui gère l’ensemble), je conseille chaudement cet endroit : (0597)5532800, www.fuyulou.net, fuyulou@163.com. Il parait que les chambres peuvent être encore mieux si l’on réserve avant. Car une petite surprise avec les nôtres, c’est que les fenêtres sont… inexistantes. Il y fait pas chaud chaud ! Pas bien grave, l’ambiance est excellente et décontractée avec les autres touristes, et on passe la soirée à jouer aux cartes avec des jeunes et moins jeunes. Ce ne sera qu’au petit matin que nous aurons une idée plus précise du tulou dans lequel nous avons passé la nuit. Photos :

 Image de nuit à notre arrivée


Best fried rice EVER!


Partie de jeux de cartes ouverts à toutes et à tous, de 2 à 32 ans!


Guillaume et Elodie prêts à se mettre au lit. C'est pas un peu exagéré tout ça?


Notre tulou au matin. Classiques lampions et vêtements qui tentent de sécher

Pitit-dej


 L'entrée de l'"hôtel" . A la porte le jeune de la famille, c'est lui qui gère!


 La famille Quatremare toujours en pleine forme après 10 jours de Chine!



Et notre tulou vu de loin. Magnifique!

mardi 16 février 2010

Hakka country (2/4) – Du thé, de l’encens, des pétards et de l’argile

Résumé de la 1ère journée : Départ de Xiamen lundi vers 10h, décidé à suivre le parcours conseillé par le guide bleu. Mené par Xiao Zhang au volant de son bolide multifonction nous traversons la plaine côtière du Fujian en direction du grand ouest et grimpons bientôt dans les montagnes, jusqu’à Shizhong (适中). Nous y recevons un accueil touchant et visitons les principaux tulous du village guidé par la très sympathique Xie Yiqun revenu à l’occasion du nouvel an chinois dans le village qui l’a vu grandir. Nous découvrons ainsi l’architecture de ces déroutantes forteresses d’argile : différentes tailles, différents styles, différentes époques. Mais nous découvrons surtout le mode de vie que mènent ces gens qui habitent encore les tulous aujourd’hui. Peut-être avec un peu plus de modernité, peu être un peu envieux de ceux partis à la ville, mais toujours fidèles à l’esprit de leurs ancêtres venus du nord s’installer ici.

Le soir venu nous faisons étape à Longyan (龙岩), chef-lieu du canton. Nous logeons dans le meilleur hôtel de la ville (le 闽西宾馆) à prix dérisoire (220RMB/double). Dans cette grande ville on se sent loin, très très loin de l’atmosphère rurale et communautaire des tulous. Pourtant géographiquement ils sont situées à la sortie de la ville, on reprend donc notre quête tulouesque le lendemain matin, et on se dirige vers Shangyang (上洋). Petit interlude au marché local, on y fait le plein de fruits. Mais il fait toujours aussi gris, et ce pour le 6ème jour consécutif. Malchance ? L’œuvre de quelques esprits malins ? On se décide à aller faire un tour dans le temple local dédié à Mazu : le 天后宫 de 西陂, pour tenter de remédier au problème. Nos collègues aux yeux bridés s’occupent des pétards qui résonnent dans tout le village pour éloigner les vilains démons, ainsi que de l’encens appelant les divinités. Elodie teste son avenir, il est radieux. Ouf. La chinoise qui la suivra aura moins de chance, il lui faudra faire de belles offrandes avant de se risquer à quitter le temple. 

 西陂的天后宫


 La déesse Mazu (妈祖) entourée de celui qui voit à 10 000 Li et celui qui entend à 10 000 Li


Pas loin derrière le temple le plus grand tulou du coin, le Yijinglou (遗经楼). Il est conseillé par notre guide, nous y rentrons donc les yeux grands ouverts. Celui-ci est bien entretenu, mieux entretenu que ceux que nous avons vu la veille. Normal, des « frais de gestion » sont demandés au visiteur. Le « responsable de la gestion » nous le rappellera avec animosité. On est loin de l’accueil de la veille lorsque presque chaque personne rencontrée nous invitait à prendre le thé… On gagne donc en qualité d’entretien, mais on y perd en ambiance.


 遗经楼


 Etonnante rencontre



 Ici ça a l'air solide!

L’après-midi nous renouons avec le chaleureux accueil des habitants des tulous dans le village de Hulei (湖雷). Si les abords de la route principale sont « laids et banals », on découvre des perles en s’enfonçant dans le village vers les champs. Ici le Fuxinlou (馥馨楼), le plus ancien tulou de la région, il aurait plus de 1000 ans. Il tombe aujourd’hui en ruines mais quelques pièces sont encore en état pour faire à manger… ou nous préparer le thé ! L’empressement avec lequel le papi du coin nous rapporta un plateau recouvert de verres à thé fut mémorable. Ce grand-père comme tous les habitants du « quartier » portent le nom Kong (孔), celui de Confucius. Ils se disent descendant de la 72ème génération de ce grand sage.

On continue notre balade dans le village. On découvre des aspects moins attractifs de la vie rurale chinoise : les toilettes communales peu entretenus, les canards qui pataugent dans la vase, les poules qui picorent dans les tas d’ordure… Je vous épargne les photos.


 Contraste entre le bâtiments bétonnés et nos traditionnels tulous


A chaque entrée nous sommes accueillis par des messages nous souhaitant pleins de bonnes choses pour la nouvelle année chinoise

Notre dernier tulou rectangulaire de la journée. On y reboit le thé autour de quelques friandises avec les propriétaires locaux : les Lin(林) avant qu’ils ne nous emmènent visiter les appartements. On retrouve les grands classiques, des escaliers en bois, de longs couloirs dont on doute de la stabilité, des légumes et des sous-vêtements qui attendent toujours un rayon de soleil, une petite pièce dédié à Guanyin et beaucoup de chambres. On nous propose chaleureusement de rester diner. Nous refusons poliment car nous avons encore de la route à faire avant la fin de la journée, nous voulons atteindre Hongkeng (洪坑) le royaume des tulous circulaires !

lundi 15 février 2010

Hakka Country (1/4) - Premières découvertes

3ème grande destination de notre voyage dans le Fujian (福建) : la région Hakka (客家) dans le Minxi (闽西), à l’Ouest de Xiamen. Voyageant à cinq et souhaitant visiter de nombreux sites non desservis par les lignes régulières de bus, la meilleure solution consistait à louer une voiture avec chauffeur pour les 3 jours. Notre voiture, multifonctions, 7 places, 2 ceintures de sécurité. Heureusement l’autoroute est limitée à 80 km/h. Notre chauffeur Xiao Zhang (小张), 21 ans, clone de David Douillet, très sympa, un mandarin des plus standard, pas de diplôme universitaire, originaire du Hunan et venu travailler à Xiamen il y a 3 ans. Propriétaire de sa voiture grâce à sa famille dont la situation financière est bonne. Aime rouler sur la file de gauche sans raison. Aime aussi faire la course sur les routes de montagne. Pour toute autre question se rapportant à Xiao Zhang, demandez à Guillaume. 

Et alors, pourquoi la région Hakka ? Et d’abord, ça veut dire quoi Hakka ? Hakka est la prononciation du terme 客家, invité, mais en langue du Minnan (闽南话). Hakka désigne en fait un groupe de population de l’ethnie Han originaire du nord de la Chine qui aurait migré vers le Sud il y a plus de 1000 ans de cela. On les retrouve dans les régions du Fujian, du Guangzhou et du Jiangxi. Venus s’installer sur des territoires déjà occupés, ces Hakkas ont récupéré les terres les plus difficiles à exploiter et ont toujours été une population mise à rude épreuve. Ce n’est pas pour rien qu’on les retrouve parmi les grandes vagues d’émigrations des provinces du Sud des XIXème et XXème siècle. On retrouve donc beaucoup de membres de cette « ethnie historique » à Taiwan, Hong-Kong, Singapour, mais aussi dans nos contrés occidentales : Australie, Etats-Unis.

S’installant dans une région relativement hostile, les Hakkas ont édifié des bâtiments dans un style architectural unique : les Tulou (土楼 ), prononcez toulo, terme signifiant littéralement bâtiment de terre. De taille suffisamment grande pour abriter une communauté entière, et refermés sur eux-mêmes pour se protéger des agressions extérieures, ces tulous répondent aux besoins de la population Hakka. Jamais vraiment observés par les occidentaux avant le XXème siècle, il aura fallu attendre les premières images des satellites américains pour que l’on prenne conscience de ces tulous. En voyant ces images, les Américains incrédules ont même été jusqu’à penser qu’ils renfermaient un projet de développement nucléaire. Aujourd’hui il suffit de tapper tulou dans google pour en avoir des images. Mais pour ressentir l’atmosphère qu’il y règne, il fallait se rendre sur place. Et c’est précisément là où nous en sommes !

Notre chauffeur Xiao Zhang nous propose de nous emmener directement voir les tulous les plus touristiques. Je lui demande de nous emmener plutôt d’abord à Shizhong (适中), bourg rural abritant les tulous les plus proches de Xiamen, et en dehors de circuits touristiques.

C’est sous un épais brouillard et une petite pluie que nous arrivons à Shizhong. Entre les classiques maisons et boutiques tapissées de carreaux de céramiques s’élèvent d’étranges constructions de taille impressionnante et de couleur jaune délavée : les tulous sautent aux yeux. On avance un petit peu dans la ville et on choisit notre objectif un peu au hasard, ce sera le 绵庆楼 (Mianqinglou). De taille rectangulaire, quatre étages, une cinquantaine de mètres de long, un toit immense et quelques fenêtres creusées dans le torchis local. A priori pas très accueillant. Mais une large porte ouverte autour de laquelle sont collées des bandes de couleur rouges pétantes nous invitent à nous rapprocher.

On pénètre dans le 绵庆楼. Ici vivent une soixantaine de personnes, 4 familles apparentées. Ils portent tous le même nom : 谢. C’est d’ailleurs le nom le plus répandu dans ce bourg qui n’en compte que quatre. Toutes les générations sont présentes sous ce toit. Des petits enfants jettent des pétards en cette période de nouvel an Chinois. Une dame nous laisse jeter un coup d’œil mais se montre relativement indifférente à notre égard. Le plan du bâtiment est original : 2 rectangles imbriqués l’un dans l’autre entre lesquelles sont aménagés les différentes pièces du logis, et ce sur plusieurs étages. Les escaliers et les galeries reliant les pièces entre elles sont édifiés en bois, dans l’œil du bâtiment. L'espace central du bâtiment est telle une place du village. On y aménage un peu ce que l’on veut : un espace de jeu, des latrines, etc. En levant les yeux on aperçoit ici des vêtements qui sèchent, là des outils des travaux des champs. Des têtes dépassent de ci de là et nous observent. J’entends des « 法国人 », on parle de nous.


 Intérieur du 绵庆楼

Un jeune rentre chez lui. Il nous invite à le suivre jusqu’à sa chambre. A l’intérieur je suis étonné de découvrir une chambre elle peu originale. Certes la déco est légère, l’aménagement peu fourni, mais il est difficile de se persuader que nous sommes à l’intérieur d’un de ces « monstrueux » tulous. Protégé du froid extérieur par des murs argileux extrêmement épais, il y fait une température plus agréable qu’à l’extérieur.


Notre nouvel ami nous invite ensuite à redescendre pour prendre le thé. On découvre une cuisine moderne et une salle à manger cosy aménagées dans ce bâtiment vieux de trois ou quatre siècles. On se retrouve bientôt entouré de toute la famille qui était en fait prête à se mettre à table pour le déjeuner. Les visages qui étaient assez froid à notre entrée sont maintenant tous grand sourire, et on partage quelques verres de thé et de vin avec cette famille très accueillante. On n’ose rester pour le déjeuner, bien que l’on soit expressément invité et on leur dit au revoir après quelques classiques 合影, photos de groupe. 

 喝茶! Le thé immanquablement offert aux visteurs. Quel plaisir!



 
Quels sourires!


Une jeune fille élégamment habillée, Xie Yiqun (谢艺群), propose de nous guider à travers la ville, à la recherche des tulous les plus remarquables. Xie Yiqun est en fait universitaire, en 2ème année de Chinois à l’université de Fuzhou (福州), et de retour dans la ville où elle a grandit à l’occasion du nouvel an chinois. C’est le cas de beaucoup de jeunes ici à Shizhong, et on comprend donc un peu mieux la mode vestimentaire et des automobiles de qualité en parfaite inadéquation avec le décor.

 Guillaume et Elodie entourent notre guide du jour: Xie Yiqun. En arrière plan le tulou de son enfance: le 绵庆楼

Xie Yiqun nous emmènera successivement à travers les 碧水.., 古豐樓 et 典常樓, avec pause déjeuner chez elle, toujours dans le 绵庆楼. Vous l’aurez remarqué, chacun des tulous porte son propre nom. Le reste en photos :


La famille 谢 sort de chez elle


Cuisine traditionnelle d'un tulou. On remarque en bas à droite l'entrée du fourneau, et au fond la "cheminée" pour évacuer les fumées


Photo de groupe devant le 古丰楼, le plus vieux tulou du bourg avec ses 800 ans.


Au 3ème étage d'un tulou, on y voit une galerie en bois "suspendue" à l'extérieur des pièces, elles solidement construites en terre, à laquelle on a mêlé quelques pierres et du riz ou du sucre rouge en guise de liant. Les tulous les plus modernes sont solidifiés par l'ajout de bambous qui tiennent la structure comme les barres d'acier tiennent les structures de béton dans nos bâtiments modernes.


En arrière plan le 典常楼. Bâtiment imposant et magnifique.


Dans l'œil du 典常楼 on a édifié un pavillon central 


 Ici comme dans tous les tulous, on trouve au 4ème étage un petit autel dédié à l'une des grandes déesses du bouddhisme chinois: Guanyin (观音)


Vue depuis le 典常楼. Des champs et des tulous.



 
Dernière image de Tulou de la journée!

dimanche 14 février 2010

Gulangyu (鼓浪屿), une beauté cachée

14 février, le petit-déjeuner est excellent, on démarre bien la journée. On démarre bien l’année aussi d’ailleurs, car ça y est, nous voici en 2010 dans le calendrier lunaire. Partout les gens nous adressent un amical 新年好 : Bonne année ! Nous sommes entrés dans l’année du tigre, 虎年快乐!

Dehors on a encore du mal à se croire vraiment sous les tropiques, mais au moins il ne pleut pas. Enfin, pas trop. Dehors les portails se sont aussi ouverts, les gens sont sortis, et nous aussi. Toute la journée on s’est baladé. Du pic du soleil resplendissant (sic) à la statue de Zheng Chenggong, du jardin de style Suzhou au musée des pianos. On s’est aussi beaucoup baladé au hasard des petites ruelles de l’ile, découvrant de ci de là de belles bâtisses datant de la « grande » époque coloniale. Elles sont aujourd’hui occupées par les locaux qui ont investis les lieux par familles entières. Si ce n’est pas encore tout à fait ça pour l’entretien, au moins il y a de la vie. C’est vraiment l’esprit du Sud. Une beauté abandonnée, un esthétisme désinvolte. Quelle belle image que ce visage de vieillard chinois occupé à préparer le repas de la grande famille réunie que l’on aperçoit à travers la fenêtre d’un vieux bâtiment victorien duquel pendouillent quelques fils electriques ou autres climatisations.


Le plaisir des yeux est parfois enrichi d’un accompagnement musical. Ici on joue du piano, là de l’alto. Pas loin une école de musique. Derrière un adorable petit hôtel :


Nous avons fait une petite visite de ce petit hôtel, et il est accueillant, confortable et joliment décoré à l’intérieur. Je le recommande chaudement, il s’agit du 画廊旅馆, Gallery Inn, sur la 复兴路.

L’ambiance de la fête du printemps est partout, des banderoles sont accrochées devant tous les hôtels et restaurants, des Chunlian (春联 – terme intraduisible) sont collées autour de toutes les portes, tous les arbres sont recouverts de lampions rouges.

 


 


Cessons la présentation thématique, et reprenons la journée en photo, et en ordre chronologique.

 
 Nous!


  
 Yum!


  
Comme d'habitude dans les lieux touristiques chinois: un télécabine. Pas très aux normes il parait...Jolie vue d'en haut, malheureusement assez bouché par les nuages:


  



  
Des habitants de Xiamen pariant sur les gâteaux de la lune... Vous ne connaissez pas? Normal, ça ne se joue qu'à Xiamen, et ce jeu a été inventé pour divertir les soldats de Koxinga retenus à Xiamen au XVIIème siècle.


  
Mignon petit jardin chinois à la mode de Suzhou, dans l'enceinte du 菽庄花园


  
 Photo volée de la magnifique maison de thé 圓周茶莊


  
Statue monumentale de Zheng Chengong (Koxinga), général Ming qui se battu jusqu'au bout contre les envahisseurs Mandchous. J'avais déjà eu l'occasion d'en parler dans un de mes articles sur Taiwan, car il s'y était réfugié pour préparer la reconquête...


  
Un classique du Sud de la Chine: on choisit ses plats dans des petites échoppes, et on mange dans la rue! En plus ça vérifie le théorème 越便宜越好吃: Moins c'est cher, plus c'est bon. 


 
Concert de musique traditionnelle chinoise. Plus culturel qu'agréable à l'ouïe...