lundi 15 février 2010

Hakka Country (1/4) - Premières découvertes

3ème grande destination de notre voyage dans le Fujian (福建) : la région Hakka (客家) dans le Minxi (闽西), à l’Ouest de Xiamen. Voyageant à cinq et souhaitant visiter de nombreux sites non desservis par les lignes régulières de bus, la meilleure solution consistait à louer une voiture avec chauffeur pour les 3 jours. Notre voiture, multifonctions, 7 places, 2 ceintures de sécurité. Heureusement l’autoroute est limitée à 80 km/h. Notre chauffeur Xiao Zhang (小张), 21 ans, clone de David Douillet, très sympa, un mandarin des plus standard, pas de diplôme universitaire, originaire du Hunan et venu travailler à Xiamen il y a 3 ans. Propriétaire de sa voiture grâce à sa famille dont la situation financière est bonne. Aime rouler sur la file de gauche sans raison. Aime aussi faire la course sur les routes de montagne. Pour toute autre question se rapportant à Xiao Zhang, demandez à Guillaume. 

Et alors, pourquoi la région Hakka ? Et d’abord, ça veut dire quoi Hakka ? Hakka est la prononciation du terme 客家, invité, mais en langue du Minnan (闽南话). Hakka désigne en fait un groupe de population de l’ethnie Han originaire du nord de la Chine qui aurait migré vers le Sud il y a plus de 1000 ans de cela. On les retrouve dans les régions du Fujian, du Guangzhou et du Jiangxi. Venus s’installer sur des territoires déjà occupés, ces Hakkas ont récupéré les terres les plus difficiles à exploiter et ont toujours été une population mise à rude épreuve. Ce n’est pas pour rien qu’on les retrouve parmi les grandes vagues d’émigrations des provinces du Sud des XIXème et XXème siècle. On retrouve donc beaucoup de membres de cette « ethnie historique » à Taiwan, Hong-Kong, Singapour, mais aussi dans nos contrés occidentales : Australie, Etats-Unis.

S’installant dans une région relativement hostile, les Hakkas ont édifié des bâtiments dans un style architectural unique : les Tulou (土楼 ), prononcez toulo, terme signifiant littéralement bâtiment de terre. De taille suffisamment grande pour abriter une communauté entière, et refermés sur eux-mêmes pour se protéger des agressions extérieures, ces tulous répondent aux besoins de la population Hakka. Jamais vraiment observés par les occidentaux avant le XXème siècle, il aura fallu attendre les premières images des satellites américains pour que l’on prenne conscience de ces tulous. En voyant ces images, les Américains incrédules ont même été jusqu’à penser qu’ils renfermaient un projet de développement nucléaire. Aujourd’hui il suffit de tapper tulou dans google pour en avoir des images. Mais pour ressentir l’atmosphère qu’il y règne, il fallait se rendre sur place. Et c’est précisément là où nous en sommes !

Notre chauffeur Xiao Zhang nous propose de nous emmener directement voir les tulous les plus touristiques. Je lui demande de nous emmener plutôt d’abord à Shizhong (适中), bourg rural abritant les tulous les plus proches de Xiamen, et en dehors de circuits touristiques.

C’est sous un épais brouillard et une petite pluie que nous arrivons à Shizhong. Entre les classiques maisons et boutiques tapissées de carreaux de céramiques s’élèvent d’étranges constructions de taille impressionnante et de couleur jaune délavée : les tulous sautent aux yeux. On avance un petit peu dans la ville et on choisit notre objectif un peu au hasard, ce sera le 绵庆楼 (Mianqinglou). De taille rectangulaire, quatre étages, une cinquantaine de mètres de long, un toit immense et quelques fenêtres creusées dans le torchis local. A priori pas très accueillant. Mais une large porte ouverte autour de laquelle sont collées des bandes de couleur rouges pétantes nous invitent à nous rapprocher.

On pénètre dans le 绵庆楼. Ici vivent une soixantaine de personnes, 4 familles apparentées. Ils portent tous le même nom : 谢. C’est d’ailleurs le nom le plus répandu dans ce bourg qui n’en compte que quatre. Toutes les générations sont présentes sous ce toit. Des petits enfants jettent des pétards en cette période de nouvel an Chinois. Une dame nous laisse jeter un coup d’œil mais se montre relativement indifférente à notre égard. Le plan du bâtiment est original : 2 rectangles imbriqués l’un dans l’autre entre lesquelles sont aménagés les différentes pièces du logis, et ce sur plusieurs étages. Les escaliers et les galeries reliant les pièces entre elles sont édifiés en bois, dans l’œil du bâtiment. L'espace central du bâtiment est telle une place du village. On y aménage un peu ce que l’on veut : un espace de jeu, des latrines, etc. En levant les yeux on aperçoit ici des vêtements qui sèchent, là des outils des travaux des champs. Des têtes dépassent de ci de là et nous observent. J’entends des « 法国人 », on parle de nous.


 Intérieur du 绵庆楼

Un jeune rentre chez lui. Il nous invite à le suivre jusqu’à sa chambre. A l’intérieur je suis étonné de découvrir une chambre elle peu originale. Certes la déco est légère, l’aménagement peu fourni, mais il est difficile de se persuader que nous sommes à l’intérieur d’un de ces « monstrueux » tulous. Protégé du froid extérieur par des murs argileux extrêmement épais, il y fait une température plus agréable qu’à l’extérieur.


Notre nouvel ami nous invite ensuite à redescendre pour prendre le thé. On découvre une cuisine moderne et une salle à manger cosy aménagées dans ce bâtiment vieux de trois ou quatre siècles. On se retrouve bientôt entouré de toute la famille qui était en fait prête à se mettre à table pour le déjeuner. Les visages qui étaient assez froid à notre entrée sont maintenant tous grand sourire, et on partage quelques verres de thé et de vin avec cette famille très accueillante. On n’ose rester pour le déjeuner, bien que l’on soit expressément invité et on leur dit au revoir après quelques classiques 合影, photos de groupe. 

 喝茶! Le thé immanquablement offert aux visteurs. Quel plaisir!



 
Quels sourires!


Une jeune fille élégamment habillée, Xie Yiqun (谢艺群), propose de nous guider à travers la ville, à la recherche des tulous les plus remarquables. Xie Yiqun est en fait universitaire, en 2ème année de Chinois à l’université de Fuzhou (福州), et de retour dans la ville où elle a grandit à l’occasion du nouvel an chinois. C’est le cas de beaucoup de jeunes ici à Shizhong, et on comprend donc un peu mieux la mode vestimentaire et des automobiles de qualité en parfaite inadéquation avec le décor.

 Guillaume et Elodie entourent notre guide du jour: Xie Yiqun. En arrière plan le tulou de son enfance: le 绵庆楼

Xie Yiqun nous emmènera successivement à travers les 碧水.., 古豐樓 et 典常樓, avec pause déjeuner chez elle, toujours dans le 绵庆楼. Vous l’aurez remarqué, chacun des tulous porte son propre nom. Le reste en photos :


La famille 谢 sort de chez elle


Cuisine traditionnelle d'un tulou. On remarque en bas à droite l'entrée du fourneau, et au fond la "cheminée" pour évacuer les fumées


Photo de groupe devant le 古丰楼, le plus vieux tulou du bourg avec ses 800 ans.


Au 3ème étage d'un tulou, on y voit une galerie en bois "suspendue" à l'extérieur des pièces, elles solidement construites en terre, à laquelle on a mêlé quelques pierres et du riz ou du sucre rouge en guise de liant. Les tulous les plus modernes sont solidifiés par l'ajout de bambous qui tiennent la structure comme les barres d'acier tiennent les structures de béton dans nos bâtiments modernes.


En arrière plan le 典常楼. Bâtiment imposant et magnifique.


Dans l'œil du 典常楼 on a édifié un pavillon central 


 Ici comme dans tous les tulous, on trouve au 4ème étage un petit autel dédié à l'une des grandes déesses du bouddhisme chinois: Guanyin (观音)


Vue depuis le 典常楼. Des champs et des tulous.



 
Dernière image de Tulou de la journée!

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