mardi 18 août 2009

Taiwan, une ile occupée

Premier volet d’une série d'articles spécialement consacrée à Taiwan, je commencerai aujourd’hui par une approche historique, et sous le thème : Taïwan, une ile continument sous occupation.

A l’origine Taiwan était une ile peuplé d’indigènes à l'instar de la majorité des iles locales, proches du continent, comme Hong-Kong, ou plus éloignées, comme le Japon. Les tribus aborigènes (原住民) se partageaient le territoire sans forme d’organisation globale et furent rejointes à partir du XVème siècle par des populations venues de Chine continentale, essentiellement fuyant l’instabilité politique du Fujian (福建), la province située en face de l’ile (une petite centaine de km tout de même), ou la pauvreté du Nord de la Chine concernant les hakkas. On peut remarquer que le peuplement est très proche de celui de Hong-Kong ou de Singapour, même si pour ces deux dernières iles, les cantonnais ont aussi constitué une part importante de l’immigration.

Aborigènes, fujianais et hakkas forment ainsi le socle de la population taïwanaise, et la majorité des habitants d’aujourd’hui descendent de ces trois origines. Mais avant d’arriver à la situation actuelle, ces populations auront souffert bien des maux, sous occupation quasi perpétuelle à partir du moment où l’ile fut découverte par les portugais au XVIème siècle. Ceux-ci ne s’emparèrent pas de l’ile, mais les récits qu’ils rapportèrent concernant Formose, la belle ile en portugais, ramenèrent d’autres européens avides : les hollandais. Ceux-ci s’emparèrent de l’ile et restèrent maitres de l’ile durant une quarantaine d’année au XVIème siècle, apprenant à la population locale ce que l’oppression signifiait.

Avec la défaite de l’empire Ming, envahi par les Mandchous venus du Nord-est, vint la deuxième occupation taïwanaise : celle des Ming. Le général 郑成功 Zheng Chenggong, dirigeant ce qu'il restait des forces Ming décida de se retirer sur l’ile de Taiwan pour préparer la reconquête de la Chine (c’est amusant, c’est une histoire déjà entendue quelque part…) et renvoya les hollandais chez eux dans la manœuvre en 1662. C’est d’ailleurs la victoire sur les hollandais qui fit du général Zheng plus un héros qu’un tyran. De toute manière, sa main mise sur l’ile ne dura pas longtemps, il mourût dans l'année, et son fils qui reprit les rênes du pouvoir fut rapidement vaincu par les Mandchous.

Nouvelle occupation donc, celle des Mandchous. Mais elle ne fut pas terrible pour la population car Pékin ne se souciait en fait guère de cette ile, laissée sans réels dirigeants jusqu’à l’occupation suivante, celle des Japonais qui annexèrent l’ile après leur victoire sur la Chine en 1895 à l’issue de la première sino-japonaise.

Contrairement aux Qing mandchous, les japonais investirent l’ile, et au prix d’une mainmise forte sur les taïwanais, développèrent l’ile à leur guise. L’ile se modernisa énormément et la population, passée quelques temps, finit par accepter l’envahisseur et la cohabitation se fit plus sereine. Rien à voir avec l’occupation de Hong-Kong ou Singapour durant la seconde guerre mondiale. Des dizaines de milliers de taïwanais furent d’ailleurs enrôlés par les japonais pour servir dans leurs rangs…

De cette occupation subsista une industrialisation avancée de l’ile et une culture d’origine chinoise fortement influencée par la voisine japonaise. L’exemple le plus marquant est certainement la politesse et le respect des règles que manifestent les taïwanais, surtout dans le nord de l’ile. Pas question de traverser si le petit bonhomme est rouge !

C’est durant l’occupation japonaise que les taïwanais virent le bouleversement politique de la Chine : fin de l’empire, création de la république de Chine (ROC : Republic of China) par le Kuomintang (KMT), création du parti communiste, guerre civile entre les deux partis et l’invasion japonaise. La défaite de l’empire nippon en 1945 libère Taïwan qui retourne en Chine, en république de Chine pour être précis. Chiang Kai Chek (蒋中正), leader du KMT envoie Chen Yi pour diriger l’ile. Celui-ci réprima la population d’une main de fer, et les taïwanais ne se sentirent pas libérés des Japonais, mais plutôt réoccupés par un adversaire des plus cruels : le chinois de Chine continentale. Tout opposant au pouvoir, réel ou supposé, était arrêté et exécuté.

Avec la défaite du KMT en Chine continentale, Chiang Kai Chek récupère le maximum d’objets d’arts (dévalise la cité interdite cela dit en passant) pour les « protéger » (pas si faux au final, quand on sait que la révolution culturelle suivra) et s’enfuit avec son armée sur Taïwan, avec comme espoir… de reconquérir la Chine ! Le parallèle avec le général Zheng est saisissant, l’occupation hollandaise étant remplacée par l’occupation japonaise et l’envahisseur mandchou par le parti communiste.

Mais le parallèle s’arrête là car le général Chiang une fois arrivé à Taiwan continue la politique débutée par Chen Yi et la population est maitrisée d’une main de fer : c’est la loi martiale, Chiang est le dictateur, et quiconque osera prononcer une tentative de critique sera puni de mort. Les pratiques sont barbares et ressemblent étrangement à ce qui se fait chez le voisin communiste.

La loi martiale est justifiée par l’opposition militaire avec les communistes et 20 années s’écoulèrent avant que les violents combats ne cessent. 20 années durant lesquelles Taïwan sous le nom de ROC était présent à l’ONU et protégé militairement par les Etats-Unis. Il faudra la rupture sino-soviétique et la fin de l’ère Chiang pour que les choses changent. Les combats se calment, la loi martiale est finalement abandonnée et les Etats-Unis déclarent l’étonnant Taiwan Relations Act reconnaissant le parti communiste comme dirigeant de la Chine incluant Taiwan mais continuent à affirmer qu’ils interviendront pour protéger l’ile en cas d’agression militaire…

Aujourd’hui Taiwan s’est remis de cette période difficile de loi martiale et a évolué sous la forme d’une république depuis 1988, république qui échappe enfin aux mains des envahisseurs les plus récents puisque les présidents successifs seront tous des natifs et non des réfugiés de Chine continentale. L’analyse plus précise de l’histoire moderne de Taiwan et notamment ses relations sulfureuses avec la métropole seront le sujet de l’article suivant : à demain !

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