lundi 18 janvier 2010

Bouddhisme? Quelques témoignages

Un an et demi que je suis en Chine. Capable d’aborder, au moins dans les grandes lignes, à peu près tous les sujets de discussion. Et pourtant quand Pierre-Alain ou Papa me demandent de leur expliquer un peu les fondamentaux du bouddhisme, je me trouve toujours aussi désemparé.

Dans mes souvenirs, le Bouddhisme est une religion qui vient d’Inde et s’est répandue en Indochine (Bouddhisme du petit véhicule), au Tibet (Bouddhisme tibétain) ainsi qu’en Chine, en Corée et au Japon (Bouddhisme du grand véhicule), où elle a pu prendre des formes relativement différentes. Toujours dans mes souvenirs le bouddhisme doit enseigner l’art de la méditation par laquelle les hommes sont capables d’atteindre des niveaux plus élevés de sagesse, l’état de sagesse ultime (nirvana) devant permettre à une âme d’échapper au cycle des réincarnations.

Mais les idées restant très vagues, je me suis donc retourné vers mes camarades pour savoir ce que c’était le bouddhisme pour eux.


J’ai commencé avec Kevin, mon voisin Malaisien, un faux Chinois. Il m’a dit qu’il était bouddhiste. Quand je lui ai demandé ce que cela voulait dire, il a commencé par me dire qu’il ne savait pas, qu’il était bouddhiste parce que sa famille l’était. Je lui ai alors demandé comment cela se manifestait d’être bouddhiste. Il a eu l’air de réfléchir longtemps et s’est souvenu : « 念经 », ce qui signifie lire les écritures. Les lire à haute voix. Et que disent-elles ces écritures ? Il ne savait pas. « Mes parents savent, mais pas moi ». Les écritures sont en fait en Sanskrit, une langue indienne qu’il est bien sur incapable de lire. Mais il est capable de les réciter.

J’ai continué en lui demandant si en tant que Bouddhiste, il ne fallait pas apprendre à méditer (坐禅). Il m’a dit que lui ne méditait pas, mais que d’autres le faisaient. Lorsque l’on médite, on cherche à éliminer de ses pensées les vexations (烦恼), et l’on recherche la vérité (真理).


Comme j’étais encore loin d’avoir compris, j’ai demandé à Ye Zhangliu, aussi bouddhiste, ce qu’il en pensait. Un peu désarçonné par ma question, il a commencé par répondre « être bouddhiste, c’était faire des bonnes actions pendant ta vie pour que ton âme aille au paradis. Mais en fait, toutes les âmes vont en enfer ». Des bonnes actions pour échapper à l’enfer et se réfugier au paradis, c’est vraiment le bouddhisme ça ?

Wang Dengying qui écoutait notre conversation l’a repris : « En fait, ce n’est pas une question de paradis ou d’enfer, mais le bouddhisme nous dit que les âmes se réincarnent, que les maux qui nous tombent dessus dans une vie ne sont que le résultat des mauvaises actions que nous avons faites dans notre vie antérieure. Il nous faut donc faire de bonnes actions dans cette vie pour le bien de notre vie ultérieure. »

J’ai demandé de nouveau à Ye Zhangliu s’il y avait une notion de méditation ou de prière dans le bouddhisme. « Pas vraiment, mais le jour anniversaire de la mort d’un ancêtre (忌日), on va s’incliner sur sa tombe (拜拜) pour commémorer sa mémoire (纪念). » Quand je lui demande pourquoi, il me dit que c’est ce qu’ils font traditionnellement (传统). Vous vous en doutez, ça ne m’a pas suffit, j’ai demandé si c’était pour partager quelque chose avec l’âme du défunt. Il m’a répondu que c’était pour implorer leur bénédiction (保佑)

Mais il a ajouté qu’ils priaient les dieux (神明). Les dieux ? Il y a des dieux dans le bouddhisme ? « Bien sur que oui, vous, vous croyez en l’existence d’un dieu unique, nous on croit en plein de petits dieux. » Cela m’a alors rappelé ces figurines que l’on voit souvent sur les posters collés sur les portes des demeures chinoises. Ces figurines représentent les dieux de la porte qui sont là pour repousser les mauvais esprits hors de la demeure.

J’ai demandé à Ye Zhangliu quels dieux ils vénéraient. Il m’a dit qu’ils vénéraient d’abord 释迦牟尼 (Shakyamuni – The Bouddha), le fondateur du bouddhisme. Il m’a encore parlé du buddha Tathagata (如来佛) et d'Avalokitesvara (观世音), deux autres dieux très importants pour lui. Ce sont des personnes qui ont vraiment existé, et ont acquis le statut de dieu ultérieurement. Mais ce ne sont pas des buddhas, seulement des boddhisattvas (菩萨).

Il a fini en me disant que finalement, pour lui toutes les religions disaient à peu près la même chose : il faut chercher à aider son prochain, 助人为乐.

Vous l’avez compris, en Chine, le bouddhisme est une religion très difficile à cerner. Les Chinois l’ont modelé à leur sauce, l’ont agrémenté, l’ont mélangé avec d’autres religions, y ont rajouté des composantes de mysticismes, et de façon différente suivant les communautés. Les jeunes chinois ne la comprennent plus vraiment, c’est plus l’indifférence qui règne. Seul le bouddhisme tibétain avec une communauté entièrement soudée autour de la vie religieuse a gardé une cohérence et une unité, je compte m’y intéresser de plus prêt.

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