mardi 25 août 2009

Une histoire de langues

Aujourd’hui, parlons un peu langage, après tout c’est un aspect important de ma vie et de mes pérégrinations dans la sphère culturelle Chinoise. L’île de Taïwan, malgré sa faible étendue géographique, est en effet dotée d’une très grande richesse linguistique.

Les aborigènes d’abord ont leur propre langage, dont je ne sais à vrai dire rien, n’en ayant pas rencontré un seul… Il faut dire qu’ils vivent souvent en communauté dans les montagnes, et les villages montagneux ont été mis à rude épreuve par le typhon. Ça n’était pas le moment de leur rendre visite !

Les colons de la vieille époque, si vous vous souvenez du précédent article, sont akhas ou fujianais et parlent leurs langages respectifs, plus ou moins loin du mandarin, et avec plus ou moins de tons (il en existe entre 6 et 9, comme en Cantonais, pour le minnan ou 闽南话, le langage des fujianais.

Ensuite beaucoup de personnes âgées parlent couramment le Japonais, vestige de l’occupation Japonaise, mais il n’a pas été transmis aux jeunes générations.

Le dernier langage, le mandarin, fut imposée au taïwanais suite à la « libération » de l’ile par la Republic of China et sous la loi martiale imposée par le général Chiang. Les jeunes et moyennes générations parlent donc tous mandarin. Mais le 台语, traduit littéralement en langue de Taïwan, désigne le minnan hua, le langage des colons du Fujian. Le grand-père de Violette ne parle ainsi que minnan hua, et japonais !


Concentrons-nous maintenant sur le mandarin, la seule langue que j’ai pu appréhender sur place. Bien qu’ayant été imposé par des Chinois originaires de Chine, des petites différences existent entre le mandarin de Taïwan et celui de Pékin. Mais quand on connait les différences de langage entre un marseillais et un parisien, cela ne devrait pas nous étonner. Je crois qu’on peut distinguer trois grandes différences : les caractères, le champ lexical, et l’intonation.


Tout d’abord, les caractères. A Taïwan, comme à Hong-Kong et dans toutes les chinatowns de l’étranger, on n’est passé à travers les révolutions communistes, en particulier, celle de la simplification des caractères. On écrit donc encore avec les caractères traditionnels. Je ne me suis pas intéressé en profondeur au débat relatif à la simplification des caractères en Chine, mais en quelques mots, l’idée directrice était d’accélérer l’écriture à la main à une époque où le mot d’ordre était le progrès à tout prix. Quelques exemples frappants parmi les caractères les plus courants : 讀書 devient 读书,讓 devient 让,買賣 devient 买卖. Les caractères traditionnels sont composés d’un très grand nombre de traits, et il est indéniable que l’écriture en caractères simplifiée est beaucoup rapide. Mais une partie de la culture et de la logique, une partie du charme et de la beauté aussi, ont disparu avec la simplification. Ce n’est pas pour rien que les calligraphes de Chine continuent à peindre et dessiner en caractères traditionnels.

HK et ses caractères traditionnels

D’abord un peu perdu à mon arrivée à Hong-Kong, j’ai appris petit à petit à décrypter les caractères traditionnels. Et miracle, lorsque l’on maitrise bien les constructions en caractères simplifiés, on devine assez aisément à quel caractère on a affaire, car c’est le même, mais sous des habits différents. Et j’avoue que l’excitation passée… le charme reste ! Quel plaisir encore hier de pouvoir reconnaitre les caractères laissés sur le sol par un calligraphe de rue ! Bref, la découverte des caractères simplifiés fut une petite source de jouvence dans mon apprentissage du chinois. Et puis, la lecture des caractères traditionnels, c’est l’étape obligée vers les informations en chinois, mais libre… et les karaokés, tous produits à HK !


La différence entre les caractères simplifiés et traditionnels est une chose, les différences dans le champ lexical en est une autre. Voici quelques exemples, tout en caractères simplifiés : Le vélo, 自行车, le véhicule aux roues libres, devient 脚踏车, le véhicule où l’on appuie sur ses jambes. Le taxi, 出租车, le véhicule de location, devient 计程车. Le blog, 博客 transcription phonétique du terme anglais, est ici traduit en 网志, le journal en ligne. Ça rappelle un peu les différences franco-québécoises !

Les différences lexicales se font aussi de façon plus fines, mais là, je dois m’en remettre à une totale confiance de Violette qui me dit qu’elle fut souvent frappée à Pékin en apercevant les publicités, dont les slogans ne pourraient pas passer à Taiwan, car utilisant des termes qui apparaissent choquant aux yeux des taïwanais. Il semblerait aussi que les continentaux aient fait une croix sur le chinois classique alors qu’on continue à faire appel à lui à Taiwan. Ceci dépassant mes limites, nous attendrons que Jonathan ait atteint lui aussi la belle ile pour qu’il nous en dise plus.

Une dernière chose sur le champ lexical, à propos de la langue orale. J’ai enfin découvert un 标准, un standard en arrivant sur l’ile, et cela facilite grandement la compréhension lorsque l’on est étranger ! Un autre point de vue, celui de Murielle, beaucoup initiée que moi dans la langue et la culture chinoise, c’est que la langue orale apparait du coup beaucoup plus pauvre.


La dernière différence est dans la façon de parler. En 3 mois, Les continentaux reconnaissent les taïwanais, et ça marche à chaque fois ! Ils décrivent d’ailleurs le mandarin parlé par les taïwanais comme une langue très douce, articulée avec plus de suavité, qui se distingue des voix rocailleuses pékinoises… Ajouté à cela une accumulation de 尾音, son que l’on ajoute à la fin de presque chaque phrase à l’oral pour adoucir : a, ya, la, ye, o, etc. Vous avez tout compris - la - ? Parfait – oh - ! A bientôt pour le prochain article et un sujet beaucoup plus original !

2 commentaires:

Jonathan a dit…

Tu n'affirmes pas explicitement le contraire, mais je précise quand même : « 脚踏车 », pour prendre un exemple, n'est pas un régionalisme de Taiwan, pour autant que je sache. Je l'ai entendu dans le film hyper-classique (et hyper-lacrymal, bouhouhou, et anti-Guomindang) 一江春水向东流. Je pense donc que l'usage s'en est simplement perdu dans les régions continentales que tu as visitées, puisqu'il figure dans la plus célèbre superproduction chinoise de tous les temps ! C'est d'ailleurs un film très utile au niveau linguistique. (Sur le plan cinématographique, je préfère de loin des films comme 神女 ou 马路天使.)

Jonathan a dit…

J'ai oublié de te remercier pour l'article dans mon commentaire précédent ; et, si certains certains lecteurs de ton blog s'intéressent au 闽南语, ils peuvent l'apprendre là : http://www.youku.com/playlist_show/id_3669229.html. Enfin, théoriquement, parce que le système tonal semble bien plus délicat qu'en 普通话.