vendredi 21 janvier 2011

Graduation : 2 mois de procédures

A la mi-novembre dernière, après de longues semaines de dur labeur consacrées à la rédaction et à la mise en page de ma thèse, celle-ci était enfin prête à être remise aux professeurs relecteurs. Je lançais ainsi la longue procédure d’évaluation de mon travail de recherche qui devait me mener à la cérémonie de remise des diplômes, deux mois plus tard. Je ne reviendrai pas sur les détails de cette procédure, peu intéressants, mais présenterai ici les facteurs qui ont fait de cette période une période psychologiquement difficile. 
  • Facteur n°1 : La menace
Entre la carotte et le bâton, Tsinghua a choisi le bâton. Chacune des étapes ponctuant la procédure de graduation est réglementée par une notice qui n’oublie jamais la traditionnelle mention « pour éviter de remettre en cause votre graduation ». Là où le bât blesse, c’est que les étapes en question ne sont pas forcément réalisables par le candidat. Je pense notamment à des documents à faire signer par des personnes absentes, un abstract de 3000 mots à entrer dans un cadre qui n’en accepte pas plus de 2000, un fichier zip à sauvegarder dans un espace qui n’accepte que des doc et pdf, etc. Le résultat, c’est le sentiment que la graduation peut vous voler entre les mains à tout moments sans que vous y puissiez grand chose.
  • Facteur n°2 : L’incertitude, ou l’art de manier le 应该…….吧.
Q : « Bonjour, mon camarade Hongwei a publié à la conférence internationale *** dont le niveau a été jugée suffisant par la commission d’évaluation des diplômes de Tsinghua, et a ainsi obtenu son diplôme en juillet dernier après avoir défendu sa thèse. J’ai publié dans la même conférence, pouvez-vous me confirmer que ma parution sera donc aussi jugée d’un niveau suffisant par la commission d’évaluation. »
A : « Hmm, étant donné que vous êtes soumis aux mêmes obligations, je dirai qu’a priori, votre publication a de fortes chances d’être acceptée »
Q : « Bonjour, une entreprise souhaiterait me convoquer pour un entretien hors du territoire. Je souhaite donc m’absenter durant quelques jours. J’ai consulté le calendrier des formalités et il semblerait que je puisse m’absenter 3 jours entre le **/** et le **/**. Pourriez-vous me confirmer que je ne louperai pas d’étapes importantes du processus de graduation en étant absent ces 3 jours ? »
A : « 嗯,应该没问题的吧 - Hmm, je dirai qu’a priori, ça doit être ok »

Bref, des « Il ne devrait pas y avoir de problèmes », j’en ai entendu beaucoup. Mais des réponses positives franches, bien rarement. Il faut dire qu’à Tsinghua les choses changent vite, avec très peu de préavis, et sans toujours se conformer à la logique ou aux règlements. Dans ces conditions, j’ai été amené à re-rédiger mon article pour le faire publier dans un journal de meilleur qualité, et je n’ai guère osé m’absenter de l’université, trop effrayé d’éventuelles convocations de dernières minutes auxquelles je devrai assister "pour éviter de remettre en cause ma graduation".
  • Facteur n°3 : L’isolement
J’ai accompli l’ensemble de la procédure de graduation seul. Non pas en tant que seul étranger, mais vraiment tout seul. Mes camarades chinois qui avaient initialement l’intention de candidater à la graduation ce semestre ont au final tous repoussé l’échéance au semestre prochain. Or c’est souvent grâce à mes camarades que j’obtenais les informations importantes du département, informations pas forcément bien relayées et/ou perdues au milieu de notices pratiques monstrueuses (Il y a besoin d’une notice de 8 pages pour décrire l’organisation de la cérémonie de graduation par ex). La conséquence de cela, c’est qu’il faut aller chercher l’information soi-même, se faire connaitre auprès des personnes importantes, s’assurer qu’elles ont votre email et qu’elles vous transmettront les informations, lire et extraire les informations importantes des notices, etc. Mais comme le soulignait très justement Grégoire, c’est au final un apprentissage à part entière, et cette aptitude à récupérer l’information pourrait se révéler utile dans le cas d’un boulot en Chine. Le côté négatif, c’est l’impossibilité de partager ses difficultés, car vous êtes seul à les affronter. Psychologiquement, ce fut éprouvant.
  • Facteur n°4 : La différence de standard
Je me souviens aussi être passé par des moments de grande frustration lorsque je me voyais imposer d’aller à l’encontre de ce que j’avais appris à considérer comme bien, ou mieux. J’illustrerai ceci sur un exemple particulièrement frappant. Les sauts de ligne dans un texte permettent par l’insertion d’espace de faire apparaitre divers paragraphes dont la délimitation spatiale reflète une certaine évolution dans la présentation des idées. Des blocs qui commenceraient en haut à gauche de la page de gauche et finiraient en bas à droite de la page de droite, peu adaptés à l’extraction rapide d’information, sont ainsi évités. Bref, l’utilisation de sauts de ligne dans la rédaction d’un rapport est un principe de base profondément ancré au fond de moi après presque 23 ans de standard français. Imaginez donc le sentiment de frustration quand H. Laoshi, très sympathique par ailleurs, m’a exprimé qu’elle ne validerait pas la mise en forme de ma thèse tant que je n’aurai pas supprimé l’ensemble de ces sauts à la ligne.

Pour toutes ces raisons, quand vendredi dernier je reçu enfin mon diplôme de Tsinghua, ce fut avec grande émotion, empli d’un sentiment de soulagement, et de libération. Il n’y avait pas cependant pas de sentiment de fierté. Je le regrette.

Aucun commentaire: