vendredi 7 mai 2010

La muraille dans le Hebei: Shanghai Guan (山海关), Jiao Shan (角山), Xifengkou (喜峰口)

Mardi ma professeure de chinois (石老师) arborait un sourire resplendissant. Elle venait de passer un week-end formidable. Trois jours chômés à l’occasion de la fête du travail. Elle en profita pour aller faire un tour du coté du jardin botanique. Les fleurs enfin écloses après un mois d’avril bien terne étaient magnifiques. Ma professeure en ressentit un plaisir incroyable. Mais ce n’était rien par rapport au bonheur que lui procurèrent les informations du jour : partout en Europe les citoyens étaient dans la rue et manifestaient leur mécontentement contre le gouvernement, les patrons, les volcans islandais. A Pékin les citoyens étaient au jardin des plantes ou à Tian’an men pour partager leur joie d’être chinois, à Shanghai ils savouraient leur fierté d’être de nouveau le centre d’attention du monde entier.

Pendant ce temps là la fière équipée partait à l’assaut du Hebei et de la Grande Muraille. Le Hebei (河北), littéralement Nord du fleuve, moins mystique que la rivière du dragon noir, moins poétique que la forêt de la chance, mais déjà en terre barbare. Le 河 de 河北 (Hebei) désigne le grand fleuve du Nord de la Chine : le fleuve jaune, frontière naturelle ayant longtemps marqué la limite nord des plaines centrales chinoises et l’entrée en territoire barbare. Des Ouïghours au Nord-Ouest en passant par les mongols au Nord jusqu’aux mandchous au Nord-est, le danger semblait présent sur toute l’étendue de la berge nord du fleuve jaune. Pourtant dès l’avènement de Qin Shihuangdi (秦始皇帝) en 221 av. J-C, l’empire chinois avait déjà pris pied sur la berge nord de ce fleuve jaune, notamment au niveau de l’actuelle province du Hebei, au centre de laquelle fleurira quelques siècles plus tard la grande capitale du Nord : Pékin. Pour se défendre contre les tribus barbares des steppes, Qin Shihuangdi unifia la première grande muraille, du Nord-Est au Nord-Ouest du pays. 1500 ans plus tard, les Mings rebâtirent une seconde muraille sur les vestiges de l’ancienne, plus solide, en brique et maintenue au mortier. Bien que celle-ci se soit étendue très en profondeur dans les provinces du Nord-Est, le secteur le plus oriental de la grande muraille que l’on peut encore voire aujourd’hui est situé à environ 300 km de Pékin et porte le nom de Shanhai Guan (山海关) : le passage entre mer et montagne. Véritable entonnoir au sud des grandes plaines du Nord Est, la forteresse de Shanhai Guan était imprenable. Elle résista à toutes les attaques. Toutes, sauf une, et elle provint de l’intérieur. En 1644 alors que la dynastie Ming était fortement sur le déclin, les mandchous étaient aux portes de Shanhai Guan. Un général Han mécontent de ce qui se passait dans la proche capitale trahit sa patrie et se mit au service des mandchous. Il leur fit ouvrir les portes de Shanhai Guan, et les conduisit jusqu’à Pékin. Le pays entier ne tarda pas à tomber entièrement sous les mains de ses envahisseurs mandchous, pas même les taïwanais ou les tibétains ne leur tinrent tête, et ce fut le début de la grande dynastie Qing. 

A l’occasion de la fête du travail, presque une seconde fête nationale à Pékin, la visite de Shanhai Guan n’était pas la destination patriotique recommandée. Le jardin botanique et la place Tian’an Men étaient beaucoup plus conseillés. Nous ne fûmes malgré tout pas seuls à prendre la voiture pour quitter Pékin en direction de destinations plus excitantes. A quatre heures de l’après-midi, nous atteignions enfin la limite Est de cette grande muraille, à Shanhai Guan. Shanhai Guan aujourd’hui, c’est une grande ville de province chinoise, faisant partie de la gigantesque conurbation de Qinhuangdao (秦皇岛), 8ème port à conteneur mondial. Autant dire que ça n’a rien de sexy. Des grandes avenues impersonnelles, des grands immeubles bétonnés, c’est gris, c’est sale, c’est bruyant. Heureusement, on ne venait pas pour la ville, mais pour les vestiges historique.

老龙头 – La tête du vieux dragon

Le vieux dragon. J’aime cette métaphore. Une gigantesque ligne d’écailles en briques formant par son parcours irrégulier à travers les monts et les vallées un adversaire légendaire pour les ennemis du nord, la preuve du pouvoir impérial tout puissant pour les habitants de l’intérieur. A Shanhaiguan, le dragon s’avance jusque dans la mer. Est-il effrayé par les eaux du Bohai ? Est-il venu s’abreuver d’eau salé ? Symbolise-t-il l’espoir fou d’une immortalité du grand Est?






角山- La montagne du coin.

Le nom est judicieusement choisi. A deux km du centre ville, trois du littoral, le terrain s’élève, la muraille prend son envol. L’ascension n’est pas difficile sur des marches bien rénovées, et dès que l’on s’élève un peu, on comprend mieux l’idée du passage de Shanhaiguan, et son importance stratégique. Il s’agit vraiment d’une étroite bande de terre entre une mer que ni les défenseurs chinois, ni les agresseurs mandchous n’ont jamais maitrisé, et la montagne dont la traversée est rendu difficile par des reliefs très creusés, faisant perdre tout avantage aux tribus des steppes, habituellement redoutables par leurs attaques de hordes à cheval.

角山 - Jiao Shan


Pas mal de monde sur la partie rénovée

Moins lorsque l'on s'élève un peu plus


I'll never ever play never ever!



唐诗? Poème Tang?


喜峰口 – Le passage du mont du bonheur

La grande muraille est ponctuée très régulièrement de 口, littéralement bouche, donc de passages. Ceux-ci sont généralement situés au fond des vallées, et particulièrement bien défendus. Xifengkou (喜峰口), le passage du mont du bonheur, est situé au fond d’un lac. Qui aurait cru que dès le XVème siècle les tribus des steppes étaient déjà équipées de véhicules amphibies ? 

La route pour y accéder directement étant coupée, nous avons trouvé un petit port plus au nord du lac où nous avons troqué notre véhicule non amphibie contre un radeau haute technologie.



On s’avance à grande vitesse sur le lac tout en admirant les tours de garde qui reposent sur les crêtes des monts alentours, imperturbables, comme hors du temps, inconscientes des nouveaux dangers, hier les barbares du Nord, aujourd’hui les incivilisés du Sud. La ligne de tours de garde descend jusqu’à une première rive, disparait dans les eaux, et réapparait comme par miracle de l’autre coté. Qui aurait cru que dès le XVème siècle les chinois avaient découvert l’effet tunnel ?



On débarque au pied d’un petit village rural traditionnel ayant survécu à la grande vague d’harmonisation de l’architecture communiste. On se fait arrêter à l’entrée par un groupe de paysans armés de bâtons. « 要买门票 » qu’ils nous disent. « But, 没有门! » rétorque Félicia. Ils ont pas du aimer notre humour, on a payé le ticket.

Le village est situé juste dessous la muraille, on y monte, dernières photos :





ça c'est la photo un jour de soleil et sans pollution...

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bonjour Mathieu,
http://www.academie-francaise.fr/actualites/feminisation.asp
Le vengeur masque
Bite