Des nouvelles de Tsinghua:
Après le forum STeLA où j’avais repris gout à ma recherche auprès de tant d’étudiants passionnés, et après la conférence à Harbin où j’avais trouvé un peu d’appui auprès d’un professeur japonais, j’était de retour à Tsinghua décidé à bien finir mon projet de recherche, car j’étais convaincu de sa valeur. De plus je sentais que j’étais enfin en mesure de « foncer », tout le travail de débroussaillage ayant déjà effectué, et les décisions stratégiques ayant déjà été prises.
Un soir je reçu la visite de mon prof. On eut une de ces classiques discussions où je le laisse parler, sans trop l’écouter, acquiesçant et en évitant de partager ce que j’ai en tête. Ce soir là il fut particulièrement en forme. Sortant sans doute d’une réunion, il venait me répéter ce qu’il avait entendu. Il me disait que nous devrions travailler en spectre rapide. Les avantages à travailler sous spectre rapide dans le cadre de notre projet, je les lui avais expliqué il y a quelques mois, mais il avait rejetait les arguments sans discernement. Mais cela ne m’importait plus guère, car après avoir partagé ma situation avec pas mal d’élèves étrangers travaillant aussi sous la supervision de profs chinois traditionnels, j’avais pris la décision de finir mon travail de façon totalement indépendante. Malgré tout, ce soir là il alla beaucoup trop loin. Il eut l’effronterie de me dire que ce que j’avais présenté à Harbin ne lui paraissait pas utile, et m’incitait à abandonner là mon travail, reprendre le modèle de l’étudiant chinois qui me précédait (modèle scandaleux soit dit en passant), lancer quelques simulations, rassembler les résultats, et écrire une thèse à partir de cela. Arrivé à ce point là, il fallut bien que je dise quelque chose, quelqu'en soient les conséquences. Je défendis mes travaux, leur cohérence, leur intérêt et leur état d’avancement. En restant calme, mais avec une fureur intérieure. Peut-être le sentit-il? Peut-être, car il baissa presque la tête sur ce coup ci, et accepta que ce que j’ai fait puisse avoir un intérêt, bien que dirigé vers une direction à laquelle il ne s’attendait pas.
Une nouvelle fois assailli, je répondis par une déferlante de travail. Comme si je cherchais à lui démontrer qu’il avait tort, j’accomplis toujours une quantité de travail hallucinante après ce genre d’entretien. L’imminence de la date de rendue de thèse est aussi là pour me faire avancer : tout doit être rendu avant le 12 novembre !
A coté de ma recherche, j’essaie de garder un peu de temps pour le Chinese Corner. Le Chinese corner, c’est cette association d’échanges culturels entre élèves chinois et élèves étrangers. Depuis l’arrivée de certains élèves internationaux dans l’organisation (Michael il y a un an, et moi-même le semestre dernier), cette association gagne progressivement en variété, en ambition, et en organisation.
L’activité principale de la semaine, une rencontre de deux heures le jeudi soir autour d’un thème culturel chinois, a été rendu plus accessible et plus fun aux élèves étrangers. Entre autres nous avions cherché à mieux adapter l’équilibre anglais/chinois des présentations au niveau en chinois des étudiants. Si nous y arrivions plutôt bien au cours du second semestre de l’année scolaire dernière, un problème se pose à nous actuellement. Au mois de septembre, les occidentaux ne comprennent à peu près rien au chinois, mais les orientaux (coréens, japonais, etc.) sont bien plus à l’aise en chinois qu’en anglais. Nous avons donc un public très binaire, les présentations doivent être adaptées à un groupe comme à l’autre, et les activités en petits groupes sont rendu difficiles.
Au niveau de l’organisation de l’équipe, ce n’est pas encore tout à fait cela. Il y a un chef spirituel, un chef administratif, des chefs ponctuels, une communication imparfaite, une dépendance du bureau des associations, une non reconnaissance du bureau des élèves étrangers, un statut du chef particulier, etc.
Illustrons-le sur trois exemples :
1) La communication : Au cours d’une réunion nous nous mettons d’accord sur le point de rendez-vous de notre activité : point A. Quelques jours après Michael propose le point B dans un mail. Certaines personnes réceptionnent l’information et la considèrent comme une décision. D’autres personnes ne recoivent pas l’information, ou ne la considèrent pas effective tant qu’elle n’a pas été approuvé. Résultat les flyers indiquent le point A, l’affiche le point B.
2) La non reconnaissance du bureau des élèves étrangers : Un des buts de notre association est de pallier les défauts d’encadrement des élèves étrangers de la part des départements de l’université, en particulier le département de chinois. Nous sommes présents pour fournir l’information et l’aide aux élèves étrangers là où ils en ont besoin. Mais quand nous proposons une activité de découverte du campus pour aider les nouveaux étudiants à se familiariser avec les différents lieux clés, le bureau des élèves étrangers refuse de joindre la présentation de notre activité à l’emploi du temps de la semaine de rentrée des nouveaux étudiants. Avec la justification suivante (que je trouve toujours autant méprisante) : vos activités, ce sont des activités élèves, nous ne pouvons pas les mélanger avec les activités officielles.
3) La dépendance du bureau des associations et le statut du président: Toute association à Tsinghua dépend du bureau des associations, qui lui-même est apparenté aux associations des jeunesses communistes (团委, ou 共青团). Le budget et les autorisations donnés aux assoc sont donc dépendantes des bonnes relations avec ces jeunesses communistes. Quand ces derniers contactent le président de l’assoc pour lui demander de faire une activité spéciale de coopération avec eux, le président accepte immédiatement, sans se renseigner préalablement sur la disponibilité des membres de l’assoc pour organiser une activité à la date voulue. C’était tombé sur moi l’année dernière, on m’avait demandé de changer le thème de mon activité alors que tout était déjà prêt, pour un thème un peu moins exotique. Je l’avais mal pris, très mal pris, car on m’avait communiqué l’information comme un ordre, sans respect de ce que j’avais déjà préparé. J’avais un peu bataillé et obtenu la conservation de mon activité. Cela se reproduit en ce moment. On nous informa vendredi que la présidente s’était engagée pour une activité lundi soir alors que j’avais fermement indiqué au responsable correspondant des jeunesses communistes (qui bosse dans mon labo) que l’on n’accepterait pas une coopération s'il elle n'était pas correctement préparée. On me demanda pourtant d’être l’animateur de cette activité. Cette fois je refusai catégoriquement. Les conneries d’organisation à la chinoise, qu’ils assument eux-mêmes.
Au delà de l’activité régulière du jeudi soir, nous organisons maintenant des évènements ponctuels. Michael avait lancé le Campus Tour l’année dernière : un tour dirigé du campus destiné aux nouveaux étudiants étrangers. J’ai repris l’idée ce semestre, et l’ai transformé en chasse aux trésors à travers le campus. L’idée était, un, de rendre l’exploration du campus active, motivée par une série de petits défis à accomplir, deux, favoriser la communication entre anciens étudiants et nouveaux arrivés au sein de petits groupes. Pour les défis, nous avons essayé d’être fun, tout en gardant en tête qu’en Chine, les choses doivent rester 和谐, harmonieuses. Les défis du genre : « pique et ramène la casquette d’un garde » n’étaient pas les bienvenus. Petite sélection des défis que nous avions choisi: « Compter combien de personnes peuvent réellement s’assoir dans la cantine aux 10 000 personnes », « ramener la plus grosse citrouille », « emprunter le livre le plus fin de la bibliothèque », « humidifier au maximum le porte drapeau d’une équipe adverse ». Avec une soixantaine de participants, un temps magnifique, sept groupes en vadrouille dans le campus, et des pastèques pour trois semaines, ce fut un succès.
Discussion de groupe durant la chasse aux trésors
Bataille d'eau
Toujours au sein du Chinese Corner, l’année dernière j’avais lancé un petit groupe d’explorations des meilleurs restaurants traditionnels de Pékin. Avec une nouvelle destination par semaine, essayant de faire partager au maximum les expériences de restos pékinois, nous avions papillonné sur des destinations dans toute la partie Nord de Pékin. J’aurai aimé reprendre le projet, mais occupé comme je le suis par ma recherche, je ne peux me le permettre. D’autre part, au début du mois de septembre, avec des étudiants internationaux fraichement arrivés sur Pékin, je pourrai bien me retrouver à choisir presque toutes les destinations, ce qui serait dommage, car on perdrait l’idée du partage de bonnes adresses…
Enfin nous organisons pour la semaine à venir à une sortie à
Cuandixia, petit village pittoresque situé dans l’ouest montagneux de Pékin. Pour cette destination, l’organisation initiale s’est révélée d’une parfaite efficacité. Propagande directe lors du premier chinese corner + par les adresses email récupérées au cours de la chasse au trésor, nous récupérions 26 inscriptions en une quarantaine d’heures. Un petit coup fil et les logements étaient réservés, et la première agence de voyage acceptait de nous fournir un bus avec chauffeur pour un prix très raisonnable. Parfait, vous disais-je. Les choses se passaient trop parfaitement. Une heure après la gérante du logement me rappelle, et m’annonce 1) le village organise une compétition internationale d’ascension de montagne durant les jours où vous voulez venir, vous ne serez donc pas autorisés à entrer dans le village 2) je ne peux pas tous vous loger, je n’ai que 16 places. Consterné par le problème n°1, je me demande malgré tout pourquoi elle m’annonce le problème n°2 dans ces circonstances. On vient de recevoir l’information me dit-elle, et on ne sait pas si cela sera stricte ou non… Elle me fournit un second numéro de téléphone pour compléter les besoins en logement, et on décide de tenter le coup. En Chine, rien n’est impossible. Il s’agira d’en être bien persuadé quand on se verra refuser l’entrée du village avec un car rempli de 27 personnes chauffées à blanc !