Retournons voir quelques mois auparavant. Nous sommes à mi-septembre, en pleine semaine de recrutement des associations. L’une d’elle brille de mille feux et fait plus de bruit que toutes les autres réunies. Ma curiosité est aiguisée, je me dirige vers ces hommes portant fièrement d’étranges instruments de cuivre, et s’écriant régulièrement : Tequila ! L’un d’entre eux, que nous surnommerons Bob pour simplifier, voir l’article deux fois précédent, me prends sous son aile, et me guide jusqu’à leur antre, un bien étrange bâtiment nommé 蒙民伟楼, nom intraduisible mêlant le populaire et le gigantesque à la Mongolie. Que vais-je bien y découvrir dedans? Je passe la porte, un garde tout habillé de vert me toise du regard, je tourne le regard dans la direction opposée, une salle dont les pans de murs ont été écartés s’offre à mes yeux. Des Chinois, des Chinoises, des Grandes Chinoises font d’étranges mouvements les uns après les autres. Mais Bob ne me laisse pas m’appesantir d’avantage et m’entraine plus profondément dans cette Antre Mongole. J’aperçois sur mon passage certaines personnes un erhu sous le bras, décidément, la Mongolie est à l’honneur ici. Mais c’est toujours plus loin que Bob m’emmène, tout au fond, là où personne ne m’entendra crier. Il me laisse entre les mains d’un homme robuste, de grande taille et de tour de ceinture impressionnant que j’ai depuis surnommé Hrotgard. Celui-ci me fait signe de m’assoir. Après quelques instants qui me paraissent une éternité durant lesquels je partage des regards inquiets avec mes voisins, Hrotgard m’indique un nouveau siège, je m’empresse de suivre son doigt. Je suis alors invité par Sam, qui me fixe d’un regard qui semble lire à travers moi, à taper dans mes mains en prononçant des sons étranges. Ne sachant alors pas trop pourquoi Sam se dirige vers Hrotgard et lui murmure à l’oreille 可以了, c’est bon ! Je suis alors raccompagné gentiment à la porte en me promettant que l’on aura rapidement besoin de moi.
Un jour passe, deux, trois. Toujours aucune nouvelle de Bob, d’Hrotgard ou de Sam, mon excitation se mue en attente agitée. Une semaine, 10 jours, on ne me rappelle toujours pas. Non, je ne parle pas d’Areva... Je ne sais que faire. Déterminé à tout, je me décide à me remettre en route vers l’Antre Mongole. J’enfourche mon destrier, je fends le vent qui semble décidé à m’empêcher d’avancer plus loin vers l’Ouest, je retrouve le chemin que nous avions suivi, Bob et moi, ensemble, la toute première fois. Aujourd’hui, je suis seul, mais je suis décidé. Cette fois-ci, les portes sont closes, je les ouvre. Pas d’air de musique pour guider mes pas, le bruit de ces derniers me suffisent, et je trouve enfin mon but, cette salle immense où j’avais rencontré Hrotgard.
J’y retrouve mon ami Bob, enfin, celui que je croyais être mon ami. Aujourd’hui, il a l’air beaucoup, mais beaucoup moins sympathique que lors de notre première rencontre. Aujourd’hui, il m’explique qu’il ne voit plus d’un très bon œil ma venue dans sa petite secte, que nous surnommerons « Fanfare ». Deux ans ne seront pas suffisants pour me permettre d’atteindre le grade ultime, celui de membre de la première fanfare. Pourtant, je me souviens avoir entendu de sa propre bouche qu’un Français venait de les quitter, que ce Français comme moi était étudiant en master et n’avait donc pas pu rester plus de deux ans. Bob m’invite finalement à prendre contact avec le président, 王龙, le Dragon Roi !
Le Dragon Roi, non, je ne peux pas, il est trop impressionnant. "Bon, pas de problème, je l’appelle moi-même me répond Bob". Après quelques minutes de discussions dans une langue qui ressemble à de l’Elfique, Bob me rapporte les paroles du Dragon Roi: pas assez de trompette, trop petites pour moi…
Je commence alors à douter de Bob. Bob joue double jeu, je n’ai pas encore réussi à percer son but, mais je sens que Bob me trompe… Je parviens malgré tout à récupérer le 06 du Dragon Roi, et je lui écris une longue tirade par sms. Pas de réponses… Terrible déception… Je rentre… Le vent souffle toujours, toujours en direction des bâtiments des élèves étrangers, comme s’il essayait de me faire comprendre que ma place n’était pas ici…
Je me console le soir même au club Français, là où au moins, on peut encore espérer quelque chose de moi. Puis c’est bientôt l’heure de rentrer, le moral toujours dans les chaussettes, et pas vraiment envie de les enlever pour les mettre sur ma tête. Le téléphone sonne. Wei ? Qu’est-ce qu’y a ? J’ai oublié mon sac ?
« 你是圣宏宇吗?» (Es-tu Sheng Hong Yu, maintenant vous savez ce que cela veut dire) me demande une douce voix féminine. « Je m’appelle Zheng Nan, je t’appelle pour t’annoncer une bonne nouvelle : Tu as été accepté à la fanfare, tu commences vendredi prochain ! »
Youhouuuuu ! Je fais trois fois le tour du bâtiment en courant, je passe emmerder un coup Antoine, qui ne me parlera dès lors plus de LA FAN FA RE, et je passe dire bonjour à tous mes voisins, car s’ils ne me connaissaient pas encore, cela ne va pas tarder !
Le vendredi suivant, j’arrive tout excité, je découvre mes camarades leur instrument à la main. Moi je n’ai rien… Encore un sale coup de Bob ! Je récupère alors une trompette Jupiter, qualifiée de petite trompette d’étudiants par un professeur américain qui a rejoint la famille ultérieurement, et je découvre qu’en fait, je n’ai franchis que la première porte ! Si je suis dorénavant membre de la grande famille de la fanfare, les épreuves à passer avant de côtoyer les cors, les percussions ou autres saxophones, sont nombreuses.
Pour le premier semestre, ce sera cours de trompette, cours en groupe avec les quelques autres nouvelles recrues. Un cours toutes les deux semaines, avec un professeur professionnel. Les progrès sont assez rapides au début, grâce à une technique très efficace pour monter dans les aiguës. Je joue à peu près tout les jours, dans une des nombreuses salles du conservatoire (le nouveau nom de l’Antre Mongole depuis que je n’en ai plus peur !) prévu pour répéter, ouf, mes voisins l’ont échappé belle !
Aujourd’hui, c’était le concert en l’honneur de la nouvelle année par l’orchestre traditionnel, suivi de la fanfare. Grâce à Antoine, j’ai pu assister au spectacle. Un spectacle incroyable. Une ambiance de feu. Une miss asymétrique (que vous ne connaissez encore que par les dires de Julien, mais nous en reparlerons un jour prochain) des grands jours. Des petits nenfants qui chantent très très bien. Bref, un très beau concert.
Aujourd’hui, Bob a attendu la fin du concert pour me dire qu’il avait une place pour moi… Je le savais, depuis le début, Bob est un traitre ! Demain, j’ai peur. J’ai peur de ce qu’est en train de préparer Bob. Car demain est jour d’examen… Demain, je passe à la trompette, et ma performance décidera de mon passage au rang supérieur, au rang de trompettiste de seconde catégorie, membre de la seconde fanfare !
Alors, ça y est, tu as fini par en parler... on sent que toute ton existence étudiante était tendue vers ce but. Je croise les doigts pour la seconde fanfare... Et je t'assure que les chaussettes sur la tête, ça peut pas remonter le moral plus haut!
RépondreSupprimerAh moi aussi je connais la fanfare en mode sectaire à ma fac, mais mais pas à ce point là quand même!
RépondreSupprimerCes chinois sont fous... ;-)