Continuons aujourd’hui notre série sur la prononciation du chinois, un sujet étonnamment difficile. Dans le premier article nous avons longuement parlé des tons. Le ton, c’est la musique avec laquelle une voyelle est exprimée : sa durée, sa hauteur, ses variations de hauteur. Or en Chinois, à l’exception des voyelles e et i, les voyelles sont toujours précédées d’une consonne dans une syllabe. Avant d’apprendre à articuler les voyelles avec leurs tons, il aurait été logique de commencer par les consonnes. Nous avons donc commencé par la fin. Nous avons néanmoins déjà fait la moitié du chemin entre les voyelles et les consonnes dans le deuxième article, où nous avons discuté de l’importance du soufflement d’air qui retarde l’arrivée de la voyelle dans le cas des consonnes aspirées. Aujourd’hui nous nous intéresserons aux consonnes du Chinois. Pas à toutes, celait serait bien trop, mais à un groupement particulier de consonnes, que l’on appelle les consonnes rétroflexes, à savoir zh, ch, sh, r.
Consonne rétroflexe se dit 舌尖后音 en Chinois : son arrière de la pointe de la langue. Cela désigne une consonne articulée avec la pointe de la langue pointée vers l’arrière de la bouche. Jusqu'à aujourd'hui j’avais toujours pensé que seul le r, consonne que je n’ai jamais réussi à articuler, était une consonne rétroflexe. De plus le r, c’est erhua, c’est l’accent pékinois, c’est la patate chaude dans la bouche. C’est tout l’inverse de l’accent du sud, léger, raffiné et musical. Je n’ai donc jamais vraiment fait l’effort de le prononcer correctement, et ai rapidement abandonné après quelques tentatives couronnés d’échec. Hier on s’est moqué de ma façon de dire 中国. Zhongguo, un des mots les plus basiques, que je pensais honnêtement articuler correctement. En comparant avec la bonne prononciation, j’ai senti une lourdeur dans ma prononciation, mais pas de différence radicale. En farfouillant un peu sur internet, j’ai trouvé sur Sinoplice l’origine de ma prononciation incorrecte : la position de ma langue. Je positionnais le plat de ma langue sur la bosse entre la gencive et le palais, alors que le zh de zhongguo doit être articulé avec la langue incurvé vers l’arrière, et la pointe de la langue appuyant sur le palais.
La pointe de la langue appuyant sur le palais ? Une configuration bien originale pour articuler une consonne, inexistante dans les langues françaises comme anglaises, et donc toute nouvelle pour moi. Ce fut aujourd’hui une découverte comparable à la découverte de la position de la langue entre les dents lors de l’articulation des th en anglais. Malheureusement pour moi, cette découverte arrive bien tard, et ma prononciation incorrecte est maintenant bien ancrée. Il faut que je « retraite » l’ensemble de mon chinois pour réapprendre à articuler tous les zh avec la langue incurvée vers l’arrière et la pointe appuyant sur le palais. 中,这,重,猪,etc, des mots en zh des plus basiques aux plus compliqués, il va tous falloir réapprendre à les articuler.
Mais ce n’est pas tout ! J’ai découvert que non seulement zh devait être prononcé comme ceci, mais aussi ch, sh, et r. Pas étonnant pour ch, car c’est la version aspirée de zh. J’arrive relativement bien à le prononcer avec la langue dans la bonne configuration : 茶,吃,etc. C’est plus difficile avec sh et r. J’arrive péniblement à les articuler dans cette nouvelle configuration. J’arrive bien a toucher mon palais avec la pointe de la langue, mais je ne parviens pas à conserver la position recourbée de la langue. Les chinois m’ont pourtant confirmé qu’elle devient bien l’être, même dans sh : 是,说,etc. Bref, je me suis lancé aujourd’hui dans un long réapprentissage du parler chinois…
En conclusion, relativisons l’importance à accorder aux consonnes rétroflexes. En les prononçant mal, avec une position de la langue incorrecte, par exemple en la laissant inerte au milieu de la bouche, le son que l’on articule ne sonne pas chinois, mais est compris. Il n’est pas confondu avec un deuxième son porteur d’un sens différent, comme c’est le cas pour les tons, ou les consonnes aspirées. L’articulation correcte des consonnes rétroflexes, c’est déjà chercher le luxe. C’est essayer de tenir plus que 2 ou 3 syllabes au téléphone avant que l’interlocuteur ne découvre votre origine étrangère. C’est aussi parler avec plus de légèreté, plus de raffinements. Tout ce que l'on attend d'un Français, non?
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