2046 ? Hero ? Jackie Chan ? Zhang Ziyi ? Ces noms de films ou d’acteurs vous disent assurément quelque chose et représentent une petite partie du cinéma chinois, celle qui s’exporte jusque dans nos contrées occidentales. Vivre en Chine et apprendre le Chinois, c’est aussi une belle opportunité de se plonger un peu plus dans ce cinéma chinois, qui, une nouvelle fois, se joue de nos critères occidentaux.
La salle obscure n’est pas encore très répandue en Chine. Les quelques super complexes qui existent aujourd’hui dans les grandes villes sont assez récents, et encore très rares en regard de l’immense public potentiel. Les cinémas ne sont en réalité pas très attractifs pour le commun des chinois. Ils n’ont pas cette culture d’apprécier les films au cinéma, et le prix exorbitant ne les incite pas à le faire. Le prix du billet est sensiblement le même que dans les grandes salles parisiennes, alors que le niveau de la vie est 4 à 10 fois plus faible à Pékin qu’à Paris. Dernièrement un évènement: Avatar. Le film qui a fait buzz. Toute la Chine s’était jurée de le voir. Les cinémas ne passaient quasiment plus que lui dans
toutes les salles et il fallait faire des queues interminables pour espérer acheter un ticket deux fois plus cher qu’à l’ordinaire, pour des séances plusieurs jours après, et souvent à des heures avancées de la nuit. Mais Avatar était une exception. Ordinairement le chinois rechigne à sortir de chez lui (ou du labo) pour un film.
Mais cela ne signifie pas que la culture du film n’est pas développée. Au contraire, ils adorent regarder des films. Pas au cinéma, pas en DVD non plus, malgré des prix dérisoires : 3€ pour le DVD copyright, 0.5€ pour le DVD dans la rue. Ils téléchargent tout, et regardent d’un œil bizarre les gens qui achètent des DVD. Ils regardent une quantité de film assez hallucinante, et de toute provenance : chinoise, américaine, française. Le cinéma n’a ainsi pas tardé à devenir un de mes premiers sujets de conversation avec les chinois. C’est l’un des rares sujets avec lequel je suis à près sur de toucher tout le monde, et sur lequel ils ont des gouts et opinions assez variées, que ce soit en terme de qualité de films ou de silhouettes des actrices.
Mes premières expériences de films en Chine ont été au cinéma. La salle obscure a un effet hypnotique qui décuple mes capacités de compréhension, et m’empêche dans le même temps de céder à la tentation de la « barre espace -> majuscule gauche » toutes les deux minutes. Souvent sur un coup de tête, je choisissais alors mes films devant le guichet, avec comme seul critère la tête de l’affiche… Les résultats furent variés, du très bon avec 非常勿扰, au summum du ridicule avec 全城热恋.
Ensuite j’ai tenté de faire comme mes camarades : télécharger, télécharger, télécharger. Mais après quelques expériences de soirée film gâchées par des lecteurs vidéos qui n'affichaient pas les sous-titres en chinois ou autres conneries du genre, je me suis mis à acheter des DVD. J’ai choisi quelques titres d’après les recommandations que l’on m’a faite, et j’ai complété en demandant conseil à la vendeuse. Immense connerie. Tous les films qu’elle m’a conseillés étaient d’une médiocrité sans nom. Quand au reste, les bons films, pour une raison qui m’échappe totalement, mon ordinateur ne parvient pas à les lire. J’apprends donc à jongler entre Corsair, le logiciel de téléchargement sur le réseau de Tsinghua, et la boutique de DVD du coin.
Parlons enfin de quelques titres, acteurs et réalisateurs. D’abord Zhang Yimou (张艺谋). Il est internationalement connu depuis la cérémonie d’ouverture des JO où il avait dirigé ce spectacle qui sortait de l’ordinaire par ses effets de masse de figurants. Avec papa, Charlotte et Benj nous avions admirés un autre de ses spectacles à Yangshuo, avec toujours autant d’effets de sons et lumières, toujours autant de figurants. Extrêmement impressionnant. On retrouve ce côté visuel incroyable de la masse de figurants dans certains de ces films, notamment
La Cité Interdite (满城尽带黄金带). Je n’ai pas franchement accroché à l’intrigue, mais on ne peut nier que les scènes en extérieurs dans la cité interdite sont magnifiques. Ce film est néanmoins plus renommé pour les costumes de l’impératrice et des courtisanes, savant remède au problème des
filles-aéroport si finement soulevés par notre ami Aurélien. Du même réalisateur j’ai beaucoup plus apprécié
Épouses et concubines (大红灯笼高高挂), avec toujours la même actrice principale, Gong Li, mais cette fois dans un cadre beaucoup plus restreint. L’intrigue se développe entièrement au sein de la demeure d’un riche homme dans une société encore traditionnelle ou le maitre de la demeure s’entoure de plusieurs concubines. Le film est centré sur les relations existant entre les différentes concubines, et la terrible cruauté qui en émerge. Le rythme est lent, les images sont belles, l’histoire parfois terrifiante. Un beau film.
Pour rester dans le domaine des films historiques, je tiens à citer L’empereur et l’Assassin (荆轲刺秦王).Un beau film d’un autre très grand réalisateur chinois, Chen Kaige (陈凯歌) mettant en scène la tentative d’assassinat de l’empereur Qin Shihuang, cet empereur ambivalent, à la fois révéré par les Chinois pour avoir unifié la Chine il y a plus de 2000 ans, mais décrié pour ses terribles pratiques barbares. J’avais beaucoup aimé pour l’aspect historique de l’histoire, et parce que j’y découvrais pour la première fois l’actrice immanquable du cinéma chinois : Gong Li (巩俐).
Ensuite Jay Chou (周杰伦). Il faudrait un article complet pour parler de cette immense star. D’origine taïwanaise, c’est l’une des coqueluches des chinois et chinoises. Il chante, il interprète, il réalise. Son premier film en tant que réalisateur, Secret (不能说的秘密) tourné en 2007, est assez joli. L’ambiance du film est assez légère, beaucoup plus légère que dans les films de chine continentale. Une histoire de fantômes (鬼故事, un style de narration très répandu en Chine) pas trop effrayante, accompagnée par une bande originale magnifique. Bref, un film simple que j’ai beaucoup aimé.
Une jeunesse Chinoise (颐和园) est à l’opposé. On y retrouve comme rôle principale une jeune chinoise qui rejoint la capitale pour étudier à l’université de Pékin durant la période troublée qui précède les évènements de Tian’an Men. Le film n’est pas politique, beaucoup plus psychologique, avec un personnage central au tempérament fort, et qui est loin d’apporter la paix et répandre le bonheur autour de soi. Un film dur, très dur, mais magnifiquement bien réalisé. Passé totalement outre la censure chinoise il est interdit ici, et ça, c’est presque un gage de qualité !
Toujours à Pékin, Beijing Bicycle (十七岁的单车) est un film comme je les aime. Simple, et avec de la passion. De la passion pour un vélo. La passion de deux jeunes hommes pour un vélo. Malheureusement, le même vélo. Alors forcément ça va au clash ! Un deuxième aspect auquel j’ai particulièrement prêté attention, c’est le ressenti du jeune homme en provenance de la campagne profonde quand il arrive à Pékin. Tout est si différent ici. Il ne comprend rien à ce qui se passe autour de lui. Il est en réalité bien plus désemparé qu’un étranger débarquant tout juste en Chine.
Nous finirons avec If you are the one (非诚勿扰). La belle histoire d’un homme déjà plus tout jeune qui décide qu’il est temps pour lui de trouver une épouse. Je n’en dirais pas plus ici sur le contenu du film, mais j’ai vraiment adoré. Si j’ai adoré, c’est bien sur parce que le film est très bien. C’est aussi parce qu’il met en scène deux acteurs et actrices géniaux : Ge You (葛优), la star masculine passe-partout chinoise, et Shu Qi (舒淇), l’actrice à la grande bouche taiwanaise. Mais c’est encore et surtout parce que c’est le premier film devant lequel je m’étais vraiment posé l’année dernière, et j’avais bien compris ! Cela faisait 6 mois que je galérais sur mon chinois, et j’avais réalisé ce jour-ci que cela m’ouvrait enfin de nouvelles portes !
Voilà, c’est fini pour aujourd’hui. Je suis preneur de tous vos conseils en termes de beaux films !