La seconde partie du voyage aura été la plus belle. En bout de route depuis Lanzhou, le village de Langmusi (郎木寺) et son temple (du Sichuan) ont conservé une grande partie de leur authenticité. Là les moines ne pratiquaient pas de danse à cloche pied devant les touristes, ils étaient trop occupés à prononcer les paroles sacrées d’une voix gutturale, avant d’en discuter longuement sur la place du temple. Là les montagnes qui entouraient le village suffisaient à lui donner l’allure d’un village de montagne, on pouvait encore s’imaginer la vie recluse des hauts plateaux himalayens, isolée par la haute altitude, les longues distances, les hivers rudes.
Nous restâmes donc longtemps. Le temps d’apprécier tranquillement. Le temps de voir le village briller sous le soleil éclatant des 3300 m d’altitude, le temps de le voir aussi sous la pluie, avec ses couleurs ternes et pas une âme qui vive dans les rues. Le temps de ressentir un peu le mal de l’altitude, et le temps d’essayer la shisha tibétaine pour le combattre. Le temps de prendre quelques photos aussi, admirez :
Le village se réveillant au petit matin
Vue depuis notre chambre d’hôtel
Les toits de Langmusi
Si je ne devais conserver qu'une seule image de Langmusi, je crois que ce serait celle-ci.
Du sommet d'une petite colline surplombant le village
Vue sur le temple principal. Il semble y avoir de l'activité, allons y jeter un coup d'oeil...
Nous assistâmes alors à deux cérémonies rituelles du temple. Réunis en grand nombre dans l'un des temples principaux, les jeunes moines étaient revêtus d'une tunique de la traditionnelle couleur pourpre, plus épaisse que la tunique habituelle. Pendant une heure, ce fut une alternance entre un homme, seul, et son assemblée, assise en demi-cercle et lui faisant face. Le meneur était un homme massif. Il déclamait un "chant" au rythme invariable et d'une voix grave, très grave, qui semblait s'échapper de son poitrail. L'assemblée lui répondait en cœur des mélodies peu rythmées, monocordes, transcendantales.
Au bout d'un certain moment les jeunes moines constituant l'assemblée commencèrent a se balancer de droite a gauche, suivant le rythme lancinant de leur chant. Ils restaient malgré tout loin d'un état méditatif: ils passaient leur temps à se regarder et à échanger quelques mots. On me jettait d'ailleurs régulièrement des coups d'œil intrigués. Ils étaient dissipés. Etait-ce pour faire régner l'ordre qu'un moine plus âgé et extrêmement corpulent faisait les cent pas autour du demi-cercle?
Apres la séance du nianjing (念经 : lecture des paroles saintes) démarra la séance de bianjing (辩经) sur la place faisant front au temple. Les jeunes disciples bouddhistes se rassemblèrent en petits groupes, comprenant entre 10 et 20 personnes, parfois seulement 2, pour discuter de vive voix des écritures - a moins que ce ne soit des choix stratégiques de Domenech.
C’était extrêmement vivant, voire même agressif. Afin de soutenir leur argumentation, Ils amorçaient des claques vers le parti adverse, des claques qui finissaient finalement dans leur propre main. Ils n’hésitaient pas non plus a s'attraper vigoureusement, ou a se donner de franches accolades. Qui aurait cru que les écritures bouddhistes étaient si passionnantes ?
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