Cet été dans l’aéroport de Shanghai je me souviens m’être attardé devant une publicité de Total. Si je me suis attardé, c’est parce que le slogan comportait un terme qui m’était encore inconnu : 激情. Passion. Passion, un terme que l’on doit entendre quelque chose comme 40 fois par jour auprès des francophones ou des anglophones, mais un terme que j’ignorais toujours en chinois après trois ans d’études. Je fus d’autant plus étonné car connaissant les 2 caractères constitutifs du terme, j’aurais du être à même de le saisir au milieu d’un texte ou d’une conversation sans trop de problème. Mais non, j’ignorais toujours le terme « passion » en chinois. Dans les mois qui ont suivi j’ai compris pourquoi. Les chinois n’utilisent purement et simplement pas ce terme. Ils n’utilisent pas un terme différent de 激情 pour parler d’une passion, non, ils ne parlent simplement jamais de passions. Ce terme qui était présent dans le slogan de total n’aurait pas pu apparaitre dans celui des entreprises chinoises concurrentes.
Cette semaine nous nous sommes interrogés avec Aurélien sur les motivations de nos voyages respectifs. Et sur les motivations des touristes chinois dont l’immense majorité ne voyagent que par l’intermédiaire d’une agence bien qu’il s’agisse de leur propre pays. Aurélien décrivait ce type de voyage comme une nécessité sociale, pas comme répondant à une passion particulaire.
En cours de Chinois nous avons abordé cette semaine le thème 梦想, les rêves. Pas les rêves de notre sommeil, mais ceux de notre imagination consciente. Je m’attendais à ce que l’on parle de grand rêve. De rêve de non discrimination comme en avait Martin Luther King en son temps. De rêves de découvertes du vaccin contre le sida ou du Boson de Higgs. De rêves de vie éternelle, de lévitation ou de télékinésie. J’ai été assez étonné en découvrant que pour la prof chinoise, un rêve, ça reste beaucoup plus pragmatique : décrocher son exam pour un écolier, décrocher la médaille d’or pour un sportif.
Xu Xiangming me disait aujourd’hui qu’il avait été particulièrement marqué par un reportage télé à propos d’un citoyen anglais venu s’installer à Pékin où il a développé un large réseau de clubs de foot. Ces clubs de foot n’ont pour but que d’offrir l’opportunité à de jeunes chinois de jouer. De jouer pour le plaisir. Sans le but d’une compétition d’importance. « En Chine, c’est très original » me disait Xu Xiangming. « Un Chinois ne monterait pas une grande opération s’il n’y avait pas de 前途, de perspective d’avenir. Cet anglais l’a pourtant fait par simple passion du football. En voyant ce reportage j’ai pris conscience que l’important dans ce que l’on fait, c’était peut-être d’aimer ce que l’on fait, pas le 前途, pas la perspective d’avenir. »
L’exemple de cet anglais est en effet très original. On se souvient plutôt des entraineurs étrangers embauchés pour préparer les équipes nationales aux jeux olympiques de Pékin, et venus uniquement pour le gros salaire. On se souvient aussi, et c’est encore plus marquant, que parmi les équipes de curling participant aux JO de Vancouver, seuls les compétiteurs chinois ont l’opportunité de s’entrainer sans « s’encombrer » d’un travail à coté, le gouvernement ayant en effet décidé que la Chine devait « se doter » d’une équipe de curling.
Bref, la Chine, un pays passionnant pour certains, un pays dépassionné pour d’autres…
"faire ce que l'on aime ..."
RépondreSupprimerest ce parce que tu habites au pays de Confucius que tu deviendrais sage mon fils ?
non sans doute et tu simplement devenu adulte !
c'est bien et si en plus tu pouvais continuer de rêver...
C'est ce manque de passion que j'ai ressenti notamment en regardant les spectacles de danse (à la télévision) ou au concert à Gulang(exception faite pour la voisine de mathilde!). C'est aussi en partie ce que je voulais dire quand je parlais du goût pour l'ordre, Mathieu.la passion permet de se dépasser , mais il me semble qu'en matière artistique, quelque qu'en soit la forme,pour interpeller, toucher,émouvoir,voire boulverser ou enthousiasmer,au delà de toute perfection technique, il faut ce petit supplément d'âme, ce grain de folie ou de génie qui vous emporte. Et ce que j'ai pu voir d'une manière générale m'a semblé un peu trop "droit" polissé,connu, prévisible, et m'a laissé sur ma faim.Les chinois seraient ils trop dociles pour être passionnés ou bien est ce moi qui n'ai pas compris?
RépondreSupprimerla petite prof de gym.
RépondreSupprimerQuelle petite prof de gym ? :-)
RépondreSupprimerLes "quatre nobles vérités" énoncées par le Bouddha disent bien que 1) la vie est souffrance (dukkha) 2) la cause de la souffrance est dans l'attachement 3) la souffrance cesse quand cesse l'attachement 4) la fin de la souffrance passe par la voie du Milieu.
Hormis que le frein mis aux passions ne vise pas à faire du fric le nez dans le guidon...